Jean Redon

J'ai lu que Jean Redon serait un possible pseudo de Frédéric Dard. Je n'y crois pas une seconde tant ce livre est décevant. Il est bien difficile d'imaginer que l'auteur de "Une gueule comme la mienne" ait pu accoucher de ce roman sans saveur. Une réédition (la première édition dans la collection Angoisse était de 1959) qui n'a que peu d'intérêt. Il faut espérer que Franju en ait fait un film plus talentueux...

Ce livre est à oublier sans retard.

Les médias nous avaient annoncé pour bientôt la greffe de visage, à savoir la transplantation de la face d'un donneur décédé sur un patient défiguré (voir Science & Vie d'avril 2004). En fait le comité national d'éthique français avait dit non pour l'instant, mais pour combien de temps ?

Je m'étais souvenu, à ce propos, de ce livre fascinant publié au Fleuve Noir, 45 ans plus tôt et j'ai eu envie de le relire.

Deux mariniers, occupés à écoper l'eau contenue dans la barque amarrée à leur péniche, aperçoivent un cadavre dérivant au fil du courant de la Seine, près du pont de Levallois : il s'agit de celui d'une femme, jeune, dont la peau du visage a été détachée « comme par un spécialiste du peeling ». Seuls les deux grands yeux clairs sont intacts…

Ainsi débute l'histoire glauque qui va mener la police à un grand chirurgien parisien, lequel a eu un grave accident d'automobile avec sa fille à ses côtés… et lui au volant. Depuis, ce spécialiste de la chirurgie crânienne « poursuit son rêve »…

Dans les bois de la ville d'Avray, un cantonnier fait une macabre découverte : le cadavre d'une fille morte d'un arrêt du coeur, mais dont le visage ne porte plus d'épiderme. Comme la noyée !

Du coup, l'inspecteur Féret, chargé de l'affaire, va prendre un risque énorme. Introduire lui-même la donneuse potentielle (une péripatéticienne) auprès du père éploré qui s'acharne à restaurer la face de sa fille défigurée en sacrifiant de jeunes blondes aux yeux bleus grâce à un infirmier pourvoyeur.

La fin sera plutôt tragique pour le père et la fille…

Une atmosphère morbide et angoissante dont un film de Georges Franju, avec Pierre Brasseur et Alida Valli, profitera largement.

En quatrième de couverture, Frédéric Dard présentait l'auteur qu'il semblait connaître comme un journaliste devenu chef de publicité débutant sa carrière d'écrivain par un roman rouge : « la littérature de demain », disait-il. Belle prémonition, en effet, pour un petit chez d'oeuvre d'anticipation qui pourrait bien devenir pour son cinquantenaire une réalité !

Quant aux objections éthiques de l'opération, elles tournent aujourd'hui autour de l'angoissante question : Est-ce que la situation du patient au visage greffé ne sera pas pire que la sienne avant l'opération ? La réponse ne figurait pas hélas ni dans le livre, ni dans le film.