Et tout à coup Olivier comprit que l’indifférence aussi était une passion, la plus douloureuse de toutes, la plus impossible à assouvir puisque l’objet qu’elle poursuit nous oblige à régler notre course sur la sienne : la passion du temps. Dévoré par le temps d’un si étrange amour, Pierre ne se souciait plus du monde. Lui, qu’Olivier croyait sec, devait au fond souffrir à chaque instant de sa vie, en mangeant, en riant et tout simplement endurant, d’une souffrance aveugle et sans objet – la souffrance de ne pas souffrir. Et si, maintenant qu’il était sur le point de perdre Anne, il semblait l’aimer de nouveau, c’était qu’en s’échappant elle réveillait en lui l’espoir d’éprouver enfin une douleur définie, justifiée.