Jean Vartier

Zone occupée et interdite - Sa frontière occidentale, des Ardennes au Jura n'avait pas été tracée au petit bonheur de l'avance des divisions hitlériennes. Elle reproduisait, quelques variantes près, la frontière qui, à la mort de Charlemagne, en 843, sépara le royaume de Lotharingie, attribué à Lothaire du royaume de Neustrie, attribué à Charles Le Chauve.
A l'heure où la délimitation de la zone interdite était notifiée à nos diplomate à Wiesbaden, le professeur Anrich - futur recteur allemand de l'Université de Strasbourg - publiait à Leipzig une plaquette intitulée Die Geschichte des deutschen Westgrenze (Histoire de la Frontière ouest-allemande), dans laquelle il considérait la Lotharingie ou Mittelreich, comme partie intégrante du Reich. La carte qui illustrait sa brochure était la réplique de celle qu'on avait remise aux diplomates de la commissions d'armistice. Elle matérialisait, en 1940, une frontière historique : celle de l'Empire germanique en l'an 1000 !

943 - [p. 12-13]

En 1906, les Allemands croyaient à l'imminence d'une guerre avec notre pays et à notre prompt écrasement. Ils avaient rédigé d'avance le traité de paix et même prévu qu'il serait négocié et signé à Bruxelles, devenue Brüssel. Voici l'essentiel des articles 1 et 2 de ce document d'histoire-fiction. Ils recèlent toutes les intentions et énoncent tous les plans repris à son compte par Hitler, à l'égard de la « zone provisoirement interdite. »

« § 1. La France cède à l'Allemagne les départements suivants : les Vosges, la Meurthe-et-Moselle avec Nancy et Lunéville, la Meuse avec la ville de Verdun et les Ardennes avec Sedan. Cette région est actuellement peu peuplée, 69 habitants par kilomètre carré. C'est à peine la moitié de la densité de l'Allemagne... Cette province reçoit le nom de Franconie occidentale. Elle aura Nancy pour chef-lieu...

« § 2. La France donne asile aux habitants de ce territoire et les établit ailleurs. L'évacuation doit se faire dans l'espace d'un an à partir de la signature du traité de paix. Le terrain est réparti en domaine de 40 à 60 arpents, suivant sa qualité, et distribué comme don d'honneur aux soldats qui se sont distingués pendant la guerre... Il nous faut avoir à l'ouest de l'Alsace-Lorraine une province purement allemande, de façon à résoudre une fois pour toutes la question de l'Alsace-Lorraine. »

941 - [p. 13]

[En 1940] Les Allemands, dès leur arrivée à Paris, exigent le retour dans la capitale de documents relatifs à l'histoire de la Franche-Comté. Des spécialistes venus de Berlin les étudient pendant six mois sous la direction du docteur Kruss, afin de prouver que cette province est une des plus vieilles terres du Reich. Et les officiers de la Wehrmacht en garnison au bord du Doubs ne se gênent pas pour affirmer que « de toutes façons, après la guerre, Besanz restera allemand ».

942 - [p. 13-14]