J’ai rencontré un grand nombre de pèlerins sur le chemin qui mène à Dieu et je me demande pour quelle raison ils ont choisi de Le chercher au lieu de se chercher eux-mêmes. Peut-être que j’ai mal compris, peut-être en cherchant quelqu’un d’autre a-t-on une chance de tomber inopinément sur soi, quelque part, dans un jardin ou sur une montagne, face à la pluie. Mais les gens ne me semblent guère préoccupés de savoir qui ils sont. Certains d’entre eux m’ont dit que le fait de chercher Dieu consiste justement à s’oublier, à se perdre à jamais. Mais ce n’est pas difficile de se perdre, ou bien est-ce de l’ego qu’ils parlent, de ce cadavre creux et braillard qui n’a pas d’âme ?
Je pense que ce cadavre n’est que le soi idéal en proie à la folie, et que si l’autre vie, la vie secrète, pouvait être retrouvée et ramenée à la maison, alors l’individu pourrait vivre en paix et n’avoir nul besoin de Dieu. Après tout, Lui n’a pas besoin de nous, étant parfait.
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