Écrivain, critique et poète, auteure de plus d’une trentaine d’œuvres, Jeannine Baude nous a quittés en décembre 2021. Il nous reste son œuvre pour continuer à faire entendre sa voix singulière.
« Soudain » est construit sur une anaphore, ce mot « soudain » qui crée une immédiateté brutale, accentuée par la construction des phrases, brèves, parfois sans verbe. Cela donne une poésie en apnée avec une impression d’urgence.
« Soudain j’aboie
Soudain nos jambes nos cuisses mon sexe noir
Soudain je te pose une question
Soudain tu m’échappes
Soudain nos corps glissent sur le tapis
Soudain la succession des étoiles
Soudain le mur plus mur que le mur »
Le rythme est haletant. Le tutoiement au détour d’un ver nous apostrophe.
« Soudain je te pose une question. »
Il y a une énergie incroyable dans l’écriture de Jeanine Baude, il faut la lire en prenant sa respiration :
« Soudain le flux et le reflux d’une respiration »
On est bousculé, souvent, et saisis, parfois par une once de douceur :
« Soudain la douceur d’un nid. »
Le monde et la vie, la mort, tout cela est traversé par la « violence de l’écriture ». Les mots, entrainés par ce « soudain » psalmodié nous pousse, nous tire, jusqu’à, parfois, nous perdre.
« Soudain rien à comprendre »
Pour finir par : « soudain être soi ».
Une poésie à lire et, pourquoi pas, à scander à voix haute pour mieux entendre la voix de cette grande poétesse disparue.
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Emma Goldman (1869-1940 ) Anarchiste d'origine russe , mais ayant œuvré au USA et en Espagne fut une activiste féministe et libertaire de poids mais aussi une conférencière et une partisane de " la propagande par le fait " .
En 1979 , ses mémoires " L'épopée d'une anarchiste ....." sont traduites en français . Cette femme fut d'un courage exceptionnel que bien des hommes pourraient lui envier .
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Le paysage, en tout cas, avec son défilé de formes et de couleurs, où se détachent par leur récurrence, le vert le bleu, se présente toujours à nous dans cette œuvre comme une clé d’accès, en quelque sorte, à l’amour physique, à l’ivresse rituelle de la passion, mais aussi à la plus subtile spiritualité, à laquelle il peut conduire (« Je voudrais m’approcher du désir pur, presque désincarné, celui qui n’est habité par aucun désir de possession »). Si bien que l’on peut même dire qu’il émane de cette poésie une manière de panthéisme amoureux, telle est l’importance accordée au charnel dans ces poèmes, de façon contenue mais persistante. C’est comme une « mystique de la chair », comme un champ sacré. Sans compter que les choses du monde, les éléments du paysage sont si souvent reliés aux sinuosités du phénomène amoureux qu’il en résulte une poésie douée d’une dimension et d’une force telles que John Stout a pu rapprocher Incarnat désir du
Cantique des Cantiques. D’ailleurs, à la poésie de Jeanine Baude semble sous-jacente une conception de la poésie comme refus de toute idée de représentation figée, de ce qui, de quelque manière, nie le pouvoir de captation des mots. Cette poésie apparaît plutôt comme un essai sur les possibles, un pari sur l’ouverture de l’imaginaire que nous offre le monde, sur ce quelque chose qui est toujours tension, mouvement latent, déplacement et jamais immobilité. Dans ce sens, elle est indéfinissable, insaisissable, et c’est ce caractère de permanence et de fractures, ce pouvoir combinatoire des mots qui font la grandeur de cette poésie. C’est ce déplacement des faisceaux de focalisation ou plutôt leur multiplication, cette juxtaposition inouïe de contrastes qui fait resplendir ces poèmes en fulgurations qui diffèrent à chaque lecture comme des palpitations argentées sur la surface mobile d’une mer de sens. Jeanine Baude, originaire du Midi, de cette étendue inclinée de la Méditerranée, mer fermée, utérine, où palpite le bleu intense, plonge ses racines poétiques dans la beauté houleuse, rude, illimitée et convulsive de la Bretagne et de ses îles fouettées par la mer et submergées par l’humidité et la fureur grise.
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