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Citation de KATE92


KATE92
10 décembre 2012
Marie gagna sa table. En dépit de tous ses soucis, elle ne délaissait pas un travail qui demeurait pour elle, au milieu de tant de remous, le seul point stable, l’unique satisfaction qui ne fût pas menacée ou douteuse.
Plus l’œuvre était absorbante, difficile, plus elle pouvait s’y perdre, s’y oublier. C’était seulement en s’y donnant tout entière qu’elle parvenait à se détacher, pour un temps, de ses multiples alarmes.
Dieu merci, l’ouvrage ne manquait pas ! L’été étant la meilleure saison pour procéder aux séchages successifs que nécessitaient les diverses phases de la dorure, il convenait de profiter de ces journées ensoleillées et chaudes.
Marie avait justement à préparer, pour un manuscrit dont le texte, les dessins, les nombreuses couches de couleur, étaient déjà achevés, les fonds où elle aurait ensuite à appliquer l’or, à la feuille ou au pinceau.
Il s’agissait de cette fameuse « Chanson du chevalier au cygne » dont elle avait elle-même illustré bien des pages. Elle en était parvenue au moment où il fallait composer la première assiette, en langage de métier, soit le premier fond. Deux autres suivraient avant qu’elle ne soit en mesure de passer à l’application de l’or pur. La réussite et l’éclat de la composition finale dépendaient du soin avec lequel on accomplissait cette série de préparations.
Elle prit dans un des pots rangés sur sa table de la fleur de plâtre des plus fines qu’elle déposa devant elle sur une pierre dure, polie et de grande dimension. Elle y ajouta un peu de safran en poudre et de bol d’Arménie, les mélangea minutieusement, intimement, avant d’humecter le tout, par petites quantités, avec de l’eau, et se mit en devoir de remuer la préparation obtenue avec les plus attentives précautions. Le mélange devant durcir, mais non pas sécher complètement, elle alla déposer la pierre dans une flaque de soleil devant une des fenêtres, et se dirigea ensuite vers les aides qui s’activaient à entretenir, en vue des suites de l’opération, un feu doux de charbon de bois, sous une grille, dans la cheminée de la salle. A cause de la chaleur estivale, ce travail était pénible pour les jumelles qui en tiraient prétexte pour relever leurs cottes jusqu’aux genoux et pour délacer leurs chemises sur de jeunes seins découverts.
-Allons, mes filles, dit Marie, profitez de ce que je suis forcée d’attendre le séchage de ma préparation pour aller respirer l’air du jardin. Je vous rappellerai dans un moment.
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