Jeanne Teisson

Voici une oeuvre allègre, qui contribuera à la salubrité publique. Et même au salut des populations, comme le définit le Petit Robert : « le fait (…) de garder ou de recouvrer un état heureux, prospère ». Quoi de plus réjouissant, en effet, que cette galerie de portraits de femmes - et de couples - présentée par Jeanne Teisson dans « Elles ont aimé un homme plus jeune » ! Même si elle comporte, outre les groupes des « fascinantes », des « initiatrices », des « égales » et des « collectionneuses » une dernière famille, celle des « tragiques », l'ensemble reste très tonique. De Diane de Poitiers à Édith Piaf, en passant par madame de Berny et Agatha Christie, non seulement elles ont aimé des hommes plus jeunes, de cinq à quarante-deux ans leur cadet, mais elles en ont été aimées, avec passion et souvent jusqu'à leur mort.



Héroïques, comme Berty Albrecht engagée dans la Résistance, morte pour elle ; fantaisistes, voire extravagantes, comme Sarah Bernhardt et sa « ménagerie » humaine, comme Colette qui faisait scandale ; généreuses, comme George Sand, l'inépuisable mère, grand-mère et créatrice… toutes ont été, à leur façon, talentueuses. Et toutes délivrent le même message : il y a des découvertes à faire à tout âge… pas seulement en matière amoureuse !

J’ai lu LE REJET à la fois comme un thriller psychologique et comme un excellent « polar médical ». L’auteure passe de la mention très documentée de telle maladie héréditaire rare à la vulgarisation souriante concernant les maux contemporains : « Il y avait donc au paradis terrestre une foule d’obèses diabétiques », à propos de la Polynésie où le régime alimentaire traditionnel a été modifié… ou bien : « Après avoir mangé en marchant un sandwich mou, sans saveur, plein d’air et de sucre sournois… » – et là, nous ne sommes plus à Papeete !



On savoure des images de maisons et de montagnes douces, des anecdotes dont certaines sont là « pour le plaisir » (de l’auteure, du lecteur), comme dans la revue de presse : « Russie : un corbillard transportait 500 kg de caviar. Il est arrêté pour excès de vitesse ». On n’est pas loin de la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie, chère au comte de Lautréamont.



J’aime le croisement de l’horreur et de l’humour : Il faut l’écraser comme un frelon. Mais comment écraser un frelon qui mesure plus d’un mètre quatre-vingt-cinq et pèse au moins quatre-vingt-dix kilos ? J’ai apprécié la scénographie, les sauts dans le temps, le passage de la troisième à la première personne, le fait que l’un des mystères rencontrés ne soit pas totalement éclairci.



Mais LE REJET est plus qu’un thriller, plus qu’un polar : à mes yeux, le fil rouge à suivre reste (ici comme dans d’autres livres de l’auteure) la réflexion implicite sur la petite enfance, l’absence d’échanges, d’éducation, de contact aimant, qui transforme un être jeune en un bloc de frustration… à moins que l’anomalie ne soit déjà présente, au départ ? Débat toujours recommencé entre l’inné et l’acquis, la résilience possible et la monstruosité contre laquelle on ne pourrait rien. Lecture plaisir, lecture réflexion, à recommander sans distinction de sexe !