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Citation de Cielvariable


– Tu es prêt ?
– Qu’est-ce que ça change ?
L’idée de lui lancer une réplique tout aussi sarcastique me traversa l’esprit mais je me ravisai. Autant en finir le plus vite possible.
Mon père avait mis en place trois règles dans le labo, qu’il fallait suivre à la lettre : 1) Ne jamais entrer dans la chambre d’un garçon s’il est réveillé ; 2) Vérifier que le sujet est allongé avant d’envoyer le gaz anesthésiant dans la chambre ; 3) Attendre quatre minutes pour que le gaz fasse effet.
Les garçons connaissaient les règles. Nick détestait les règles.
– Tu peux t’allonger, s’il te plaît ? demandai-je.
Il me lança un regard méprisant.
– Nick, allonge-toi.
Sur son visage, le mépris se transforma en rage, mais il finit par obéir.
Derrière moi, le téléphone sonna.
– Il faut que je décroche, dit mon père. Ça ne te dérange pas si je monte à l’étage ?
– Pas du tout, répondis-je, taisant que j’avais peur de Nick ; je ne voulais pas qu’il remette en question ma place à ses côtés.
Le téléphone calé contre son oreille, mon père sortit.
– J’y vais, prévins-je Nick en appuyant sur le bouton Cellule #4 du tableau de commande.
Les conduits de gaz du plafond de la chambre s’ouvrirent et un nuage de fumée blanche s’en échappa.
– Ce truc me fout un mal de crâne pas possible, parvint à articuler Nick avant de fermer les yeux.
Ses muscles, en tension permanente, se relâchèrent.
Je vérifiai le chronomètre pendu à mon cou. Peu d’humains peuvent retenir leur respiration quatre minutes. D’après mon père, 90 % des gens s’évanouissaient au bout de trois minutes. Il estimait que je ne courais aucun danger passé ce temps, mais compte tenu des 10 % restants, il préférait prendre ses précautions.
Quatre minutes plus tard, j’appuyai sur un deuxième bouton et le gaz fut aspiré de la pièce. Je tapai le code d’entrée de la chambre de Nick et une moitié de la paroi en Plexiglas se décala vers l’avant puis coulissa sur le côté. L’odeur âcre du gaz persistait. Je rejoignis Nick sur le lit et posai mon plateau par terre.
C’était bizarre de le voir si paisible. Il semblait presque vulnérable. Son visage anguleux s’était adouci et son éternel air de mépris avait disparu. Ses cheveux noirs bouclaient derrière ses oreilles. S’il n’avait pas été aussi insupportable, j’aurais pu le trouver beau.
Je localisai une grosse veine dans le creux de son bras. Ensuite, il ne me fallut pas longtemps pour recueillir mes trois échantillons de sang. Je m’apprêtais à partir quand quelque chose sous l’ourlet de son T-shirt accrocha mon regard.
e consultai mon chronomètre. Une minute et trente secondes avant que les effets du gaz ne commencent à se dissiper. Je me débarrassai du plateau et soulevai son T-shirt.
Une cicatrice blanchâtre et ancienne balafrait sa peau. On aurait dit un E. Sam avait aussi une cicatrice, un R, sur le torse. Comment avais-je pu ne pas remarquer celle de Nick ?
Parce que tu ne l’observes jamais.
– Il ne te reste pas beaucoup de temps, me lança Trev depuis sa chambre.
Les paupières de Nick tremblotèrent et ses doigts se crispèrent.
Mon cœur fit un bond. Attrapant le plateau, je me précipitai vers la sortie au moment où Nick se ruait vers moi. Ses doigts mous, encore sous l’emprise du gaz, effleurèrent mon avant-bras mais ne parvinrent pas à m’attraper. Je pressai à toute vitesse le bouton de la porte, qui se referma juste avant qu’il ne glisse son pied dans l’ouverture. Il m’adressa un rictus chargé de haine. J’étais bien décidée à ne pas lui montrer qu’il avait réussi à m’intimider mais, au fond de moi, j’étais terrorisée.
Nick avait des yeux d’un bleu incroyable, de la couleur de la nuit quand elle rencontre le jour. Un bleu qui lui donnait un air plus mature, plus dangereux, plus…
– La prochaine fois, fais ton putain de boulot, ne me touche pas sauf si tu es obligée.
– Nicholas, arrête, ordonna Sam.
Il appuya sa main contre la vitre, comme s’il se préparait à la briser si nécessaire.
– Est-ce que ça va ? me demanda-t-il.
– Je suis désolée, marmonnai-je, le souffle court. Je…
J’avais envie de mentionner la cicatrice, de savoir s’il existait un lien avec la sienne, mais je compris à ses traits tendus que ce n’était pas le moment.
– Je suis désolée, répétai-je.
Je fis demi-tour et emmenai mon plateau jusqu’au comptoir du fond afin de poursuivre mon travail.
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