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Citation de Charybde2


Dans certains pays comme la France, le soulèvement zapatiste, qui s’est fait connaître le 1er janvier 1994, n’a donné lieu le plus souvent qu’à une vision extrêmement étroite, partagée entre une série d’images d’Épinal sympathiques et diverses caricatures cyniques. Les uns y voient la résurgence d’une sagesse indienne immémoriale, issue du fond des âges, voire de l’innocence du paradis perdu, et se prennent à rêver d’une vie réconciliée avec la nature et d’une harmonie communautaire libérée du poids de la mauvaise conscience occidentale. D’autres se gaussent d’une archéo-guérilla hors de saison, relevant d’un folklore nostalgique et alimentant le tourisme révolutionnaire des déçus de toutes les épopées antérieures. Surgissent aussi les sarcasmes qui ironisent sur une cyber-guérilla plus ou moins post-moderne, sur une « guerre de papier » dans laquelle les balles sont remplacées par les mots, et le combat de terrain par l’affrontement virtuel sur le web. Il s’agit là d’un thème vite lancé par le ministère mexicain des Relations extérieures et exploité avec une belle fringale par les médias et leurs serviteurs pressés. C’est que l’aubaine est parfaite pour le grand spectacle de la communication, trop heureux de virtualiser un mouvement social massif et d’occulter les rebelles derrière l’écran du médium qui symbolise son propre triomphe. Du reste, de la cyber-guérilla, on en vient inévitablement à gloser sur la mode médiatique suscitée par la personnalité du sous-commandant Marcos et son art de la communication. Pourtant, le zapatisme médiatique n’est qu’une invention des médias eux-mêmes, une ruse du spectacle ambiant qui s’efforce de neutraliser ses ennemis en les façonnant à son image.
S’opère ainsi une réduction typique de la logique médiatique qui, pour désarticuler les réalités sociales et les rendre incompréhensibles, concentre tous les projecteurs sur le fait individuel. Il ne reste plus alors du zapatisme que Marcos, adulé par ses fans et dénoncé par les propagandistes néolibéraux comme un manipulateur machiavélique. De toute manière, il est impensable qu’un mouvement indigène ne soit pas dirigé par un chef blanc, qu’il s’agisse du sous-commandant ou de Samuel Ruiz, l’évêque « rouge » de San Cristóbal de Las Casas. Se répète ainsi le mépris multiséculaire des dominants pour les mouvements populaires, réputés incapables de s’organiser eux-mêmes et ainsi dépossédés de leur histoire, jusque dans leur révolte. Dans le cas du soulèvement zapatiste, s’y ajoute la volonté d’ignorer l’existence d’un puissant mouvement social indigène et paysan, engageant des centaines de milliers d’hommes et de femmes, dont la formation et l’essor traversent l’histoire du Chiapas depuis les années 1970 au moins.
Toutes ces visions, qu’elles soient suscitées par la mauvaise foi des défenseurs du statu quo ou seulement par l’étroitesse de vue et la naïveté d’une information désinformée, empêchent de comprendre l’importance du mouvement zapatiste. D’où le présent livre, qui voudrait s’efforcer de remédier un tant soit peu à une telle situation.
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