Milady est le chef-d'œuvre de Paul Morand. Solitaire assoupli par les chancelleries, il l’a rédigé d'une traite, pendant l'été 1935, à Saumur puis à Villeffranche-sur-Mer. Dans cette longue nouvelle, le commandant Gardefort (auquel Nourissier a dû penser, en dessinant, cinquante ans plus tard, la figure blessée de Vachaud d'Arcole) est un ancien écuyer du Cadre noir qui a tout sacrifié à sa passion et à la carrière. À côté de lui, Alceste est un philanthrope. Humiliée de se voir préférer les quadrupèdes aux robes peu variées, sa femme l’a d'ailleurs quitté. Gardefort l’a remplacée par Milady, une jument sans grâce, refusée aux dépôts de remonte, mais qu'il aime à la folie - « Ce n'est pas une liaison, c'est ma raison de vivre » - et qu'il a travaillée, pétrie, adorée, jusqu'à métamorphoser l'animal « terne et mal gauchi » en admirable danseuse aux pieds ailés : « Chaque jour commençait dans l'espièglerie, dans la ruse et se continuait dans la rage, pour se terminer dans une sorte de pâmoison soumise. »