Jérôme Garcin vous présente son ouvrage "Écrire et dire : entretiens avec
Caroline Broué" aux éditions des Équateurs. Entretien avec
Jean-Claude Raspiengeas.
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Dès son arrivée à Buchenwald, Jacques comprend qu'on lui vole son pain, son malheureux quignon de pain sec. Il ne tarde pas à trouver le coupable.
« C'est un coquin, un voyou, un fainéant, un mauvais sujet», persiflent les autres prisonniers du Block. Louis Onillon a vingt-cinq ans, une tête brûlée, une jambe de bois, une petite cervelle, un langage limité (« son moignon parlait il disait tout ce que l'homme ne savait plus dire ») et il n’a en effet aucun scrupule. Après chaque distribution, il dérobe la maigre pitance de l'aveugle. Un jour, Jacques lui fait savoir qu'il sait. Mais, au lieu de le lui reprocher il propose de devenir son ami. En guise de réponse, Louis partage aussitôt sa couverture avec celui qui était sa victime, et dont il décide dorénavant d'être le garde du corps. Les deux garçons se découvrent en Anjou, des origines communes. Ce sont des pays. Louis est cordonnier.
me laisse pas le monde
changer ton regard.
mais laisse ton regard
changer le monde.
A ses élèves qui veulent connaître la philosophie des Lumières, savoir si Diderot est matérialiste et Camus, pessimiste, ou si Mallarmé est "compréhensible", il ne donne pas de réponses définitives. Au contraire, il leur démontre que rien n'est aussi simple, que la littérature n'est pas une science exacte, il leur "donne des soucis" pour le plaisir de les faire penser par eux-mêmes. (p.151)
Il fait une découverte stupéfiante. Au lieu de tourner ses yeux morts vers l'extérieur, il les oriente vers l'intérieur, en lui-même, où il peut vivre, courir, dessiner, où tout est plus stable et plus amical qu'au-dehors, où rien ne distingue le jour de la nuit, où les ombres n'ont plus leur place, où il peut déplacer à sa guise l'horizon, où il a le sentiment d'aborder un continent neuf et vierge [..]
Alors il éclate de joie : ses yeux ne sont pas fermés, ils sont seulement renversés.
Tel Louis Pasteur, il résumait son art avec trois verbes et leurs adverbes décisifs : « Guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours. »
Parmi tout ce que tu m’as appris, il y a d’abord ceci : on écrit pour exprimer ce dont on ne peut pas parler, pour libérer tout ce qui, en nous, était empêché, claquemuré, prisonnier d’une invisible geôle. Et qu’il n’y a pas de meilleure confidente que la page blanche à laquelle, dans le silence, on délègue ses obsessions, ses fantasmes et ses morts. Tu m’as révélé l’incroyable pouvoir de la littérature, qui à la fois prolonge la vie des disparus et empêche les vivants de disparaître.
J'enviais Mauriac de se passionner pour tout, de n’avoir jamais l’esprit au repos, d'avoir chaque matin la faculté de s’enthousiasmer ou de s’offusquer. Moi, tout m'ennuyait. Au point que je me demandais si je ne m'étais pas choisi une idée fixe pour bousculer ma propension au désenchantement et justifier mon indifférence au monde dans lequel je vivais. Certains jours, il m’arrivait même de penser que Jean n’était qu'un alibi.
Quelle consolation ou quelle argumentation, enfin, suis-je donc allé chercher en visitant cette dynastie de mandarins ? Peut-être l'idée toute simple que si soigner, c'est sauver des vies, écrire, c'est les prolonger.
II fait beau, allons au cimetière, préconisait Emmanuel Berl. Et rappelons-nous à la mémoire de ceux qui, même disparus, ne nous ont pas oubliés.
(...) le peintre Jean Bichier, alias Jean Hélion, qui s'était évadé en 1942 d'un camp de Silésie où il était détenu, fit poser Jacques Lusseyrand. Il voulait faire son portrait. "ce que je cherche à peindre, lui dit-il, c'est ton regard. Je vois qu'il n'est pas dans tes yeux. Mais je vois qu'il a sa place dans ton visage: une région plus large dont j'aperçois le contour." . Et il précisa: "Un portrait, c'est fait pour montrer comment un homme fleurit au-dessus de lui-même" (p.60)
Or, l'image, troublante et merveilleuse, de ces grands-pères lettrés et contemplatifs fut si forte qu'elle a dicté, à mon insu, mes premiers choix de romans. A douze ou treize ans, j'ai ainsi dévoré tous ceux du docteur écossais Archibald Joseph Cronin, auteur d'une thèse sur les anévrismes, dont la plupart des titres, de La Citadelle au Destin de Robert Shannon, du Signe du caducée à Sur les chemins de ma vie, mettent en scène des médecins des pauvres dans les villes minières et industrielles de la vieille Angleterre.
Des romans pas fameux, rédigés dans une prose pastorale, chargés de bons sentiments, pleins de dialogues pontifiants et dont les intrigues manichéennes ne visaient qu’à édifier le lecteur, mais où je retrouvais, à chaque page, des figures familières et des histoires, des drames, des maladies dont j'entendais si souvent parler à table.
Et si, à la même époque, j'ai dévoré Le Chien des Baskerville ou La Vallée de la peur, c'était moins pour Sherlock Holmes que pour Conan Doyle, dont j'aimais qu'il eût été maître en chirurgie, officier de santé à bord du baleinier Hope.