Citations de Jessica Stern (17)
Je suis obligée d’entamer des recherches. Cependant, les réponses que j’obtiens ne sont pas nécessairement liées aux questions que je pose. Et je ne suis pas toujours prête à les entendre.
Etre violé·e ou agressé·e ou menacé e de mort violente ; être traité·e comme un objet dans le rêve d’un prédateur, plutôt que comme sujet de son rêve à soi, c’est déjà assez dur. Mais quand l’entourage se fait complice de votre désir d’oublier, il se transforme lui aussi en agresseur
La terrible vérité est que, dès lors qu'une personne a été violée ou agressée, elle semble acquérir une odeur ou une fréquence qui fait d'elle une cible irrésistible pour d'autres agresseurs.
Il y a quelque chose d’attrayant dans l’idée de devenir terroriste quand on a été terrorisé•e. On aimerait répondre à la terreur par la terreur. Mutiler, voire tuer son agresseur au nom de la légitime défense. Je pourrais écraser ce pédophile. Je pourrais lui expliquer : « Tu n’as pas ce qu’il faut, ni pour le corps, ni pour l’âme. Tu n’es pas un homme. »
Combien de temps m’a-t-il fallu pour passer de la posture d’une danseuse à celle d’une victime ?
Et maintenant que j’ai prononcé ce mot, j’ai réellement honte. Ce n’était pas la posture d’une victime. Je n’étais pas une victime. J’avais juste été violée.
Cela fait vingt ans que j’étudie les causes du mal et de la violence. Jusqu’à présent je ne me suis jamais demandé pourquoi ce travail m’intéressait, ni ce qui me rendait capable de le faire. Ce livre répond à une question qui m’est posée à chaque fois que je parle de mes recherches sur le terrorisme. Comment une « fille » telle que vous a-t-elle pu se rendre dans des camps d’entraînement terroristes au Pakistan ? N’aviez-vous pas peur ? La réponse, c’est que je n’avais pas conscience d’avoir peur – et ce livre explique pourquoi. Après une série de traumatismes, on peut perdre la capacité de ressentir la peur de façon adéquate.
L’histoire s’est révélée avoir une portée qui dépassait de beaucoup le viol de deux adolescentes. Apparemment, la collectivité tout entière était en situation de déni. Les policiers avaient bâclé l’enquête. Ils avaient rapidement abandonné les recherches. Ils ne nous ont pas crues, ma sœur et moi, quand nous leur affirmions ne pas connaître notre agresseur. Et le viol sous la menace d’une arme était une chose inimaginable dans la petite ville de Concord, Massachusetts, en 1973. J’allais découvrir que le déni est infiniment séduisant. Il est irrésistible pour l’entourage qui veut reprendre sa vie. Pour la victime elle-même, le déni et la dissociation sont ce qui lui permet de rester en vie au moment où la terreur s’exerce. Mais à long terme, le déni peut être dangereux. Dans notre cas, le déni collectif s’est soldé par de nombreux viols d’enfants supplémentaires – au moins quarante-quatre – et le suicide d’au moins une des victimes
Ce livre retrace l’enquête menée par la police pour résoudre ce crime resté longtemps non élucidé, et ma propre enquête pour tenter de découvrir comment son auteur en est arrivé à devenir un violeur d’enfants
Je sais que j’ai été violée. Mais voilà ce qui est étrange. Si ma sœur ne l’avait pas été aussi, si elle n’avait pas gardé le souvenir – si je n’avais pas, ce rapport de police devant moi sur mon bureau -, il se pourrait que j’aie des doutes sur la véracité de mon viol
En relisant ces notes à présent, je ne comprends plus comment mon père et moi avons pu autoriser ces mots à exister réellement entre nous, à être prononcés à voix hautes, ces vérités terribles, pas faites pour être saisies avec des mots
Cependant, les réponses que j’obtiens ne sont pas nécessairement liées aux questions que je pose. Et je ne suis pas toujours prête à les entendre
Je parle d’une partie de moi qui est presque totalement autre, jumelle siamoise maltraitée, désormais méprisée, et qui a survécu à toutes les tentatives pour l’expulser
L’impact du viol se distille au ralenti, se répand comme une montre molle de Dali, devient une flaque de honte
Une victime qui a souffert du déni des autres finit pas s’accuser elle-même de mensonge
Je sens mes épaules se contracter. Je redoutais d’entendre ça. Je veux savoir, mais en même temps je ne le veux pas
Nous faisons payer un prix terrible aux personnes psychiquement blessées en devenant complice de leur déni
Et tout cela me conduit à m’interroger sur toi, qui tient ce livre entre les mains