Johan de Smet

En 2015, le MSK (Museum voor Schone Kunsten, ou Musée des Beaux-arts) de Gent / Gand a prêté au musée Singer Laren, situé une vingtaine de kilomètres plus loin aux Pays-Bas, quelques soixante-dix oeuvres qui constituent le fleuron de son département fin XIXème - début XXème siècle. Et pour ceux qui n'ont pas pu se déplacer jusque-là au MSK, c'est une aubaine de découvrir cette partie de la collection, même si ce n'est que via un (joli) catalogue d'expo.





Un catalogue qui prend des airs de légèreté par rapports aux massives productions du Musée d'Orsay et du Louvre, reliées, lourdes, multipliant les essais qui, forcément, se recoupent les uns les autres, et qui sont ignoblement chers (la culture ne serait-elle pas pour tous??? Évidement, les critiques s'en foutent, vu qu'on leur offre ces fameux catalogues), issues d'expositions dont on a aujourd'hui l'impression que l'unique but est d'en étaler toujours plus sur les cimaises ("La mienne présente 150 oeuvres ! ", "La mienne en présente 200 !", etc., etc.)





Le texte de Johan de Smet suffit à éclairer la démarche de l'exposition, d'une part en s'attardant un peu sur chaque mouvement représenté, d'autre part en laissant sa part aux contexte des oeuvres, enfin en expliquant quelle part d'échanges il put exister entre les milieux artistiques belge et néerlandais autour de 1900. Il est enfin à noter que la politique d'achat du MSK est quelque peu retracée, notamment à propos d'Ensor, qui fut rejeté du milieu officiel pour finalement en devenir aujourd'hui une icône.





Que la couverture, très joliment aguicheuse, ne vous trompe pas ; on trouve ici un peu de tout : réalisme, impressionnisme, fauvisme, et, évidemment, symbolisme. Je connaissais à peu près la moitié des artistes (ce que je trouve pas si mal, après tout, pour une Française à qui on a fracassé la tête à coups de Monet et de Picasso), mais pour autant, je ne connaissais souvent pas les oeuvres présentées ici, voire certaines facettes de tel ou tel artiste. C'est le cas par exemple de Léon Frederic, qui m'avait surtout marquée par son grand triptyque des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, et dont j'ai découvert un versant plus réaliste ; mais c'est aussi le cas d'Ensor, ou encore de Toorop avec sa Dame en blanc.





On pourra trouver qu'il manque certains incontournables de l'époque, comme Rops ou Degouve de Nuncques, et déplorer l'absence des arts décoratifs (on est quand même en pleine période Art nouveau !), tandis qu'Émile Claus paraît surreprésenté. Mais c'est après tout à l'image de la collection et des choix des conservateurs. C'est cela dit un plaisir de découvrir Frantz Charlet, Eugène Laermnans, les frères de Smet (comme avec le tableau Intérieur ou Les Amoureux), ou de retrouver Rysselberghe, Ensor et Spilliaert, entre autres.





Ce catalogue m'a un peu rappelé l'exposition L'Espagne entre deux siècles du musée de l'Orangerie à Paris : au-delà des échanges entre les Pays-Bas et la Belgique, ou entre deux artistes (comment ne pas penser aux arbres de Mondrian lorsque l'on voit ceux de Gustave de Smet ?), on sent tout un réseau d'influences qui va plus loin, jusque du côté de la peinture métaphysique de Chirico, et on repère parfois les parti-pris choisis par tel ou tel, alors qu'au contraire on suit les diverses expérimentations d'autres artistes au fil des ans.





Ce catalogue est surtout l'occasion pour les Français de se colleter avec les arts plastiques belges de la fin du XIXème siècle au début du XXème, honteusement méconnus chez nous, honteusement sous-représentés, et pourtant si riches. Si vous ignorez encore tout ou presque de l'art belge, que ce livre soit pour vous une entrée (un passage, diraient bien entendu Benoît Peeters et François Schuiten) vers un art inventif, qui saura sans nul doute vous surprendre. Et si à l'inverse vous n'ignorez rien de l'art belge, c'est un bel ouvrage à garder à portée de main.