AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Josephine2


Page 262
Hallny a toujours eu une santé fragile, mais elle n’a jamais manqué de courage, son foyer était impeccablement tenu, elle s’accordait rarement un instant de répit, ni dans sa maison ni à l’extérieur, elle dépeçait les phoques avec la même dextérité qu’un homme, et tout aussi vite, puis elle tannait les peaux, et les traitait avec tant de soin que celles qui étaient passées entre ses mains étaient toujours de premier choix. Et elle avait pour habitude de regarder les étoiles. Pas comme certains autres, qui ne font que lever brièvement les yeux vers elles – le ciel étoilé l’appelait à lui d’une manière différente. Elle aimait se poster à la porte, le soir, pour l’observer, elle croisait ses bras décharnés et regardait. Complètement ailleurs. Laissant le froid entrer dans la maison et la transpercer. Elle ne revenait à elle que quand quelqu’un lui donnait un coup de coude pour la réveiller, refermait alors la porte à regret, allait vaquer à ses occupations, car elle n’en manquait pas ; les étoiles sont certes extrêmement nombreuses et fascinantes, on peut dire et supposer beaucoup de choses en s’appuyant sur elles, mais jamais elles ne sont acquittées de nos corvées à notre place. Hallny le savait bien, mais parfois, elle était simplement trop subjuguée, tellement emportée qu’elle refermait la porte, certes, mais pour franchir le perron, aller s’installer au pied du mur de l’étable, ou plus loin, en contrebas s’y asseoir, ou s’adosser à une charrette de foin, elle continuait à regarder, à déchiffrer la voûte céleste. Elle oubliait le froid, oubliait le vent polaire qui lui transperçait le corps, elle était sortie sans enfiler un manteau, tête nue, bras nus, si maigre qu’elle ne tardait pas à être transie. Maman est sortie, prévenait un des enfants, quand une tâche laissée en suspens soulignait son absence, et son époux, le père de la belle-mère, cet homme taciturne et tout d’un bloc, marmonnait quelques mots qui ressemblaient à, quelle maudite idiotie, il attrapait alors une couverture en laine, un bonnet et sortait la chercher, la trouvait dans la nuit, sous les étoiles, posait la couverture sur ses épaules frêles, lui caressait brièvement la tête, si brièvement qu’on pourrait croire que cette caresse est une illusion d’optique, avant de lui enfiler le bonnet. Il restait un instant à côté d’elle, regardait également et rentrait se mettre au chaud.

Deux…

Donc, en fin de compte, l’amour n’a rien à voir avec ces je t’aime à mourir, ces you’ll alvways be my endless love, ces tu seras toujours mon amour infini – mais avec cet instant où quelqu’un sort dans le froid avec une couverture et un bonnet pour qu’une autre personne puisse continuer à contempler les étoiles…

Trois…

… et c’est pour cette raison que Hanny, la mère de la belle-mère, a pleuré à l’enterrement de son mari, cet homme taciturne, râblé et aussi dur qu’une pierre, car qui viendrait désormais lui poser une couverture sur les épaules ?
Commenter  J’apprécie          70





Ont apprécié cette citation (5)voir plus




{* *}