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Citation de emdicanna


Jordi Soler est la troisième génération, il raconte son enfance, un véritable cauchemar (à mon avis). Je me demande pourquoi trois générations ont accepté cette vie. Je le saurai peut-être mieux en avançant dans le livre.
PS Et ce que vous lirez là n'est pas le pire... Disons que c'est le plus "recopiable". Bonne lecture !

A chaque déplacement dans la maison on ne pouvait manquer de tomber sur un spécimen qui aurait fait bondir de plaisir un entomologiste. Les "marimbolas" planaient dans les couloirs, maîtresses d'un vol lourd et antique, un vol de biplan, en disputant l'espace aérien aux guêpes savetières, aux sauterelles, aux moustiques, aux "amoyotes" et aux "azayacates", les trois derniers étant aussi solitaires que la "marimbola", mais beaucoup plus rapides, ils se déplaçaient à la vitesse du "chaquiste", qui contrairement à eux apparaissait en nuées d'une cinquantaine d'individus si petits qu'ils parvenaient à traverser la trame des vêtements et à provoquer des éruptions cutanées sur tout le corps d'une personne vêtue de pied en cap. Joan et moi étions continuellement piqués par les trois variétés de moustiques ; chaque soir, avant de nous coucher, Laia et ma grand-mère nous frottaient de la tête aux pieds avec une mixture pestilentielle. Vers la fin de l'après-midi, quand le soleil baissait, pénétraient dans l'espace aérien les bestioles volantes attirées par la lumière électrique, on allumait les cigares et chaque habitant de la maison commençait à se défendre contre ces insectes en s'enveloppant d'un épais nuage. Il y avait aussi d'énormes papillons noirs qui se confondaient avec la rugosité d'un meuble ou une tâche d'humidité sur le tapis, jusqu'à ce que quelqu'un passe trop près et les effraye ; alors ils s'envolaient, contrariés et le sens de l'orientation perdu, en laissant une traînée noire chaque fois qu'ils heurtaient avec leurs ailes un obstacle qui interférait avec leur plan de navigation. Volaient aussi autour de la lampe électrique mites, scarabées, sauterelles, "catarinas" et "capamochas", et, à l'occasion, cela dépendant de la densité de l'évaporation dans la forêt, pyrophores, licornes et cigales, bien que ces dernières... fussent plus attirées par la séduction du projecteur de diapositives. Les licornes étaient des scarabées noirs, gauches et bruyants, trois fois plus grands que les "mayates", qui plus qu'elles ne volaient rebondissaient d'une surface à l'autre, possédaient une corne au milieu du front, ou du moins à l'endroit où, si on se fie à l'anatomie d'un mammifère, devrait se situer leur front, six pattes velues et une bave qui abîmait vos vêtements chaque fois qu'elle vous tombait dessus.
Au sol se déroulait une autre scène, où se croisaient des cafards, des "cuatapalcates", des "atepocates" et des petits lézards. Selon le climat, d'autres espèces s'y ajoutaient, les nuits de pluie entraient des crapauds barytons et des grenouilles à queue, les nuits sèches apparaissaient des scorpions noirs et une créature monstrueuse, de la taille d'une figue, connue sous le nom de visage d'enfant. Ce monstre marchait avec la lenteur de qui sait que l'écrabouiller est un luxe prohibitif, car l'éclatement de ses viscères laisse une tâche indélébile sur le parquet. La face de cette bestiole est un cauchemar : un lobule ambré et translucide troué de deux points noirs, ses petits yeux. Certaines nuits nous étions réveillés par le bruit de ses pas sur le plancher du couloir et nous criions de désespoir quand, dans le noir, nous l'entendions entrer dans notre chambre.
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