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Citation de Cielvariable


« Je dois me séparer de vous »
« Dix minutes ! Dix minutes de retard ! Je n'aime pas être en retard. J'aurais dû être là-bas à 5 heures précises. »
Le mahâtma Gandhi est mécontent. Ils sont quelque cinq cents dans le champ de prières. Fait-on attendre toute une foule ? D'ailleurs, fait-on attendre une seule personne ?
Tout à l'heure, un peu avant 16 h 30, il a pris le repas que lui a apporté Abha : légumes crus et cuits, lait de chèvre, oranges, et une compote de gingembre, de citrons et de beurre battu, avec du jus d'aloès. Pendant qu'il mangeait, il s'est entretenu avec Vallabhbhaï Patel. Patel a parlé, parlé, et Abha a hésité à l'interrompre : coupe-t-on la parole au Premier ministre adjoint du gouvernement indien ?
Abha est une cousine par alliance du Mahâtma. Elle est l'un des deux « bâtons de vieillesse " de Gandhi, le second étant Manou, petite-fille d'un autre cousin.
On n'arrête pas le temps, pas plus qu'on ne le tue. À un moment, silencieuse, Abha s'est penchée pour que Gandhi, assis sur le sol de sa chambre, puisse lire l'heure sur la montre de nickel qu'elle lui tendait. Le Mahâtma a froncé les sourcils, il s'est levé en disant à Patel :
« Je dois me séparer de vous. »
Après un rapide passage par la salle de bains, Gandhi est sorti de Birla House — sa maison, à New Delhi — pour rejoindre cette foule d'un demi-millier de personnes qui l'attendait...
Gandhi s'appuie sur les épaules d'Abha et de Manou. Le pas est vif et les quelques marches menant au parc sont gravies sans peine.
Dans un instant, le Mahâtma aura rejoint l'estrade de bois sur laquelle il prendra place pour les offices. On se lève, on vient vers lui, on se prosterne aux pieds de l'homme aux sandales de cuir, enveloppé dans un châle de laine d'un blanc immaculé.
Gandhi joint les mains pour le salut, oui, rapproche ses paumes en souriant afin de bénir cette foule au premier rang de laquelle se trouve son assassin.
Car Nathouram Godsé joue des coudes, s'approche de Gandhi, sort de sa poche un revolver automatique. Effrayée, Manou veut intervenir, mais l'homme au blouson kaki l'écarte brutalement.
Trois balles, trois, pour que le temps s'arrête de lui-même. Trois balles, trois, pour tuer un homme.
Au premier coup de feu, le Mahâtma est resté debout. Au deuxième, le sang a giclé, tachant le châle blanc.
« Hey ! Râma ! » (« Ah ! mon Dieu ! »)
À la troisième balle, Gandhi glisse, tombe sur la terre de ce champ de si nombreuses fois foulé par tant de femmes et d'hommes.
Le temps s'écoule à nouveau. Abha et Manou se sont accroupies auprès du corps si frêle ; maintenant, tout s'accélère : des mains anonymes emportent le Mahâtma vers sa chambre, Patel prend le pouls de Gandhi, on ouvre une boîte de médicaments, un docteur accourt.
Efforts dérisoires. Peine perdue.
Une balle a touché le cœur, une autre a atteint une artère, la dernière s'est logée dans les intestins.
Vibrants hommages et messages de circonstance.
Pleurs sincères.
Et larmes de crocodile.
Gandhi est mort.
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