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Citation de martineden74


Les autorités françaises ne veulent pas tendre l'oreille aux revendications des musulmans, des “indigènes” comme ils disent. C‘est absurde. en plus d'être obscène. Ça va nous conduire droit dans le mur, croyez-moi, sans virages ni rien de tout ça, le nez contre la brique. Hélène l'écoute attentivement tout en coupant sa viande. J’ai plus les dates en tête. vous m’excuserez, mais ce qui est sûr c’est que ça fait des années que les Arabes s'organisent pour qu'on les entende, pour obtenir l‘égalité entre tous, entre chaque communauté, chez nous, en Algérie. Ils crient dans le désert. Rien. Zéro. On les envoie derrière les barreaux et on boucle leurs partis, on les dissout, on les réduit au silence et on se pousse du col, la Culture, la Liberté, la Civilisation, tout leur défilé de majuscules, quoi, ça parade ça parade, ça se mousse dans les miroirs, plus ça brille mieux c'est, faut voir comme ils aiment ça. Le jour où la France s‘est libérée, je parle de la métropole, bien sûr, je vous le redis, pour moi l'Algérie c’est l'Algérie, je crois plus à leurs histoires de départements français, c’est du parchemin, ça, du silex, c’est fini, voyez l'lndochine en ce moment, Hô Chi Minh il leur avait bien dit qu'il fallait tourner la page, personne l'a écouté et voyez où on en est… Oui, donc, le jour où la France était en fête après la victoire contre les Allemands, je sais pas combien de musulmans, des milliers, pas moins, ont été massacrés au pays, à Sétif, à Guelma, ça doit rien vous dire ces noms-là, c'est à trois cents et cinq cents bornes d’Alger. Enfin, on m’a raconté des histoires. j'oserais à peine vous les répéter, je vous assure.
(…)
Je suis né en 26, j’avais même pas vingt ans à ce moment mais je me souviens très bien de ce que les Arabes me racontaient quand j'allais leur parler. Des histoires à plus dormir. Des gens brûlés vivants avec de l'essence, les récoltes saccagées, les corps balancés dans les puits, comme ça, on les prend on les jette, on les crame dans des fours, les gosses, les femmes, tout le monde, l’armée a tiré sur tout ce qui bougeait pour écraser la contestation. Pas que l’armée, d’ailleurs, il y avait des colons et des miliciens également, tout ce petit monde se prenait par la main, c’était une sacrée danse… La mort, c’est une chose, mais l’humiliation ça rentre en dedans, sous la peau, ça pose ses petites graines de colère et vous bousille des générations entières; je me souviens d’une histoire qu'on m’a rapportée, ça s’est passé à Melbou, il n’y a pas de sang mais c’est peut-être pire, le sang ça fâche plus vite que la honte : on a obligé des Arabes a se mettre à genoux devant le drapeau tricolore et à dire “nous sommes des chient, Ferhat Abbas est un chien”, Abbas c’est un de leurs chefs, et encore il est modéré, lui, il porte la cravate, il veut même pas l'indépendance complète, il demande simplement la justice. Même un modéré on lui impose le mépris. C'est un journaliste français qui a vu tout ça, je vous raconte pas de bêtises.
(…)
Fernand lui n'aspire qu’à une seule chose: que l’Algérie demain finisse, de gré ou de force, par reconnaître chacun de ses enfants, d’où qu’ils viennent, lui ou ses parents et grands-parents, qu’importe, arabe, berbère, juif, italien, espagnol, maltais, français, allemand … Des millions de gens sont nés sur cette terre et quelques possédants, quelques petits barons sans foi ni loi, régentent le pays avec l’aval, et même l’appui, des gouvernements français successifs : il faut en finir avec ce système, débarrasser l’Algérie de ces roitelets et fonder un nouveau régime sur une base populaire, celle des travailleurs arabes européens, ensemble, les gens modestes les petits et les modiques de toutes les races unis pour mettre à bas les voyous qui les rançonnent et les oppriment. Le grand-père se gausse : voilà qu'il reprend ses lubies de communisme.
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