Les soirs d’hiver, la mer, gonflée par un vent d’est contraire remplit à ras bord les canaux et parfois les fait déborder. La ville se retrouve dans l'eau à la cheville et les bateaux, attachés comme des animaux aux murs, pour citer Cassiodore, piaffent. Ayant goûté de l'eau, le soulier du pèlerin sèche sur le radiateur de la chambre d'hôtel; l'indigène plonge dans son placard pour y pêcher sa paire de bottes en caoutchouc. Acqua alta dit une voix à la radio, et le trafic humain descend au-dessous de l'étiage.
Les rues se vident; boutiques, bars, restaurants et trattorias baissent leur rideau. Seules les enseignes restent allumées, s’autorisant enfin un peu de narcissisme tandis que le pavé fait un instant, superficiellement, concurrence aux canaux.