Joseph Incardona

« Destins croisés », notre émission, constate l’échec des rapports humains, mais après la tragédie. Il est là, notre coup de génie, ou plutôt celui de Thierry Muget : victimes et bourreaux sont réunis sous l’œil de nos caméras. Non pas pour « essayer de comprendre » comme nous le prétendons lorsqu’il s’agit de vendre notre « concept », mais pour contribuer à creuser l’abîme qui nous sépare les uns des autres. Jeter de l’huile sur le feu, attiser la rancune, la bouche en cul de poule comme sait si bien le faire notre présentateur vedette et actionnaire principal, Jean-Michel Auriol. Le drame issu de la médiocrité et de la bassesse. Nous ne sommes pas dans une salle d’audience en présence d’un juge, d’un procureur et d’un avocat, non : nous sommes dans un studio de télévision où l’on favorise le procès d’intention, où l’on exhibe le malheur, sans cadre, sans aucun autre but que celui de l’audimat, où participants et spectateurs n’ont plus aucune notion de ce qu’est la pudeur. Ils regardent Baise-moi salope convaincus que c’est Sissi impératrice. Ils vendent leurs parents, leurs enfants, leur âme, ils vendent leurs crimes, leurs incestes pour un peu de vanité assagie. De vrais camés de la pornographie, dont Canal7 est le pourvoyeur particulièrement apprécié.