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Citation de enkidu_


Hardes d’éléphants décimées pour l’ivoire destiné aux trafiquants indiens, troupeaux de buffles massacrés afin de vendre la viande boucanée aux indigènes, fauves abattus pour le prix de leur peau. Missions que le gouvernement donnait à Bullit d’exterminer les bêtes sauvages dans certaines régions qu’elles infestaient. Affûts sans nombre qui délivraient des mangeurs de bétail et d’hommes les villages hantés par la terreur des lions sorciers et des léopards magiques. Années de marches et de guets, de patience et de risques toutes mêlées à la vie animale, à la brousse infinie, aux constellations de la nuit africaine… Voilà les images, me semblait-il, qui devaient passer dans la mémoire de Bullit. J’en fus assuré quand il dit comme en rêve :

« Kihoro se souvient de tout ça. » Le son de sa propre voix le rendit au sentiment du réel et du présent. Mais seulement à demi, car il me demanda :

« Comment est-ce possible ? »

Et voyant que je ne comprenais pas ce que sa question supposait, il poursuivit avec impatience :

« C’est pourtant simple. Pour bien tuer les bêtes, il faut les bien connaître. Pour les connaître, il faut les aimer, et plus on les aime et davantage on les tue. C’est même pire que cela en vérité. C’est exactement dans la mesure où on les aime qu’on éprouve le besoin et la joie de les tuer. Et alors, qu’on ait faim ou non, que cela rapporte ou que cela coûte, avec ou sans licence, en terrain permis ou défendu, que l’animal soit dangereux ou sans défense, peu importe. S’il est beau, noble ou charmant, s’il vous touche au plus profond du cœur par sa puissance ou sa grâce, alors on tue, on tue… Pourquoi ?

— Je ne sais pas, dis-je. Peut-être l’instant où vous allez l’abattre est-il le seul où vous pouvez sentir que la bête est vraiment à vous.

— Peut-être », dit Bullit en haussant les épaules. Une troupe de gazelles passa au milieu de la clairière, sur le fond du Kilimandjaro. Leurs cornes très minces et rejetées loin en arrière, presque à l’horizontale, avaient la courbure d’une aile. (pp. 71-73)
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