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Citations de Joseph Soletier (5)


La règle qui veut que l’âge de raison coïncide avec celui des petits calculs et des premières grandes lâchetés.
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[…] quelque ascendant que puissent exercer sur nous les hautes futaies aux branches équanimes, belles en vertu des taches d’ombre et de soleil qui marquent la base de leurs troncs uniment cylindriques, c’est surtout le désordre fou, l’apparent manque de proportions, tout le tordu, le biscornu des bois qui nous enchantent ; les brognes et les creux ; la souche festonnée de polypores ardents, soufrés, moelleux ; les sabots de l’amadouvier ; l’effilure des clavaires ; les rouleaux d’écorce noire et les paquets d’esquilles claires ; le long morceau de bois mort qui, achevant de pourrir et de se désagréger, répand un bouleversant parfum de pluie caillée ; les troncs ventrus, gibbeux ; les branchages entortillés comme des paraphes ; les racines empierrées ; on ne sait quoi qui nous forlonge et frappe d’irréalité jusqu’au sentier prochain, et, par-là, plus loin, nous dit que les murs végétaux ont des poumons et les fûts (patibulaires) des oreilles de Judas (Auricularia auricula-judae). Le silence est si profond, si profonde la solitude, que le moindre frisson, le moindre craquement en viennent quelquefois à réveiller les vieux remords dissimulés sous l’écorce des coeurs humains.
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À croire que l’Église n’a d’autre vocation que de dresser un mur supplémentaire entre le Réel et nous.
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Il importait […] de faire coïncider l'édifice matériel avec l'édifice-pensée […] pour aboutir à l'immatérielle mosquée-pagode byzantine, la basilique ectoplasme, seule digne du King of Heaven et de son Holy Ghost, qui se dresse au seuil du traité […] en usage dans le rite libéral de l'Eglise australienne et qui remplacerait peut-être un jour Notre-Dame de Paris (la cité impie), lorsque […] celle-ci aurait brûlé.
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Rien, ni jeux ni mauvais coups, ne parvenait pourtant à conjurer durablement l’influence paternelle en ces semaines de liberté. En l’absence du monarque, son règne, sa puissance et sa gloire trouvent à se perpétuer dans les stèles, temples et palais qu’il a pris la précaution d’ériger afin que son action se confonde avec son héritage, son pouvoir avec le souvenir qu’on en garde dans le temps arrêté des inscriptions. Item : les livres accumulés sur la table de chevet formaient un monument à la gloire du père parti en déplacement et dont le règne s’étendait jusque tard dans la nuit à la lumière symbolique de la lampe. Car il ne suffisait pas de lire chaque soir les vagues proses édifiantes, théorèmes théologiques, dissertations visionnaires, ni même de les comprendre, il fallait lui livrer à son retour un compte rendu oral des pages lues et nécessairement intériorisées. Parmi les titres imprimés sur les dos massifs, briques criblées de cunéiformes qui dépassaient de la pile aux airs de ziggourat en ruine, le regard d’Aloys s’arrêtait invariablement aux Phénomènes de la vie mystique, Vera Stigmata, Clefs de l’Apocalypse, à ces noms effarants — « théophanie », « martyrologe », « hagionymie », « patristique » et « patrologie » —, théorie d’orgueilleux vocables en habits d’elzévirs que le père, aussi malversé dans le grec et le latin que dans le syro-chaldéen ou l’hébreu, prononçait avec un respect proche de la verbolâtrie, et dont l’influence persistait dans l’entêtante flaveur des vieilles pages tournées à la hâte — moisissures, rousseurs et encens.
Le crâne d’Aloys résonnait de paroles considérables, appartenant toutes à ces graves idiomes qui lui ramenaient, en écho, les rumeurs déformées du monde depuis sa prime enfance. Des mots sérieux comme des papes y régnaient dans une pénombre hachée de rayons pâles : syllabes latines, grégeoises & judaïques, altitonnants hiéronymes coulés dans la suave atonie du français […], et autres termes issus de ce jargon théologal qui permet à quelques fidèles de suivre les secrets mouvements de l’industrie divine jusque dans les enchaînements liturgiques. Comment ne pas se perdre entre savoir et foi lorsque les nomenclatures latines font écho à la prière et que les épithètes symboliques (Maria Rosa mystica, Vitis florigera, Lilium convallium…) renoncent à couvrir le léger mais tenace parfum de pharmacie qui se dégage des onctions imaginaires ?
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