J'aurais pu trouver ce roman oppressant, angoissant. Et il l'est, sans nul doute. Mais il m'a surtout égarée dans sa complexité stylistique, amoindrissant du même coup la force de son propos.
Il met en scène un quatuor familial banal, un père, une mère et leurs deux enfants, englués dans une relation qui n'a en revanche rien d'ordinaire.
Louise Delabre passe la majeure partie du temps dans sa chambre, où elle dépérit et prie sans relâche, atteinte d'une interminable langueur, d'une maladie sans nom que son époux impute à des maléfices, et à la probable expiation de ses mauvaises pensées. Perdue dans des visions tendues vers l'atteinte d'un état éthéré, elle fait preuve envers ses enfants d'un dévouement tout aussi impalpable, puisqu'il prend racine dans l'image qu'elle projette sur eux, une idée de l'enfance s'inspirant de l'illusoire pureté des vertus enfantines et de la beauté des communiants.
Aux antipodes de cette nature fragile, le père veut s'ancrer dans le monde sensible que rejette sa femme, adepte de l'esprit fort dans un corps robuste, méprisant la modernité et les bons sentiments qui favorisent la faiblesse. Lui aussi est à sa façon un mystique, un fanatique de ses propres visions où s'entremêlent rigidité morale te religieuse et culte de la nature.
Mais c'est un mystique autoritaire, imposant ses préceptes hygiénistes et spirituels à coups de règles en bois, faisant inlassablement recopier dans un même cahier leçons de catéchisme et leçons de choses, mêlant herbier et rosaire, bréviaire et bestiaire…
Imbibés de phraséologie religieuse et d'éloquence sacrée, forcés à se curer la conscience autant que les ongles, mais aussi contraints à de longues escapades en plein-air où le cadet Théodore s'épanouit (à l'inverse d'Aloys l'aîné qui révèle au grand désespoir de son père des langueurs et des fragilités de « fin-de-race ») les enfants du couple Delabre cheminent tant bien que mal dans cette enfance aux relents délétères qui leur promet d'insistants et durables traumatismes. Et il y a de quoi être d'autant plus déstabilisé lorsque celui qui vous imprègne de sa dogmatique morale vous emmène chez sa maîtresse pour vous y laisser devant des dessins animés pendant que les adultes s'ébattent dans la chambre…
Heureusement, son poste de commercial au sein d'un grand groupe amène le père à de fréquentes absences, pendant lesquelles les fils Delabre soufflent un peu, adoptent un semblant de vie normale, vont à l'école et se promènent au parc avec leur cousin Romain avant de retrouver l'espèce de pouponnière géante pour chérubins qu'évoque l'appartement familial envahi de bimbeloterie en verre ou en cuivre.
Comme exprimé en préambule à ce billet, je suis restée en dehors de ce titre, dont j'ai trouvé la complexité déstabilisante et souvent frustrante, car consciente de passer à côté d'un texte intense et brillant. Et les très beaux passages décrivant le milieu naturel dans une langue qui chante l'organique de manière très émouvante, pour m'avoir par moments emportée, n'ont malheureusement pas suffi à me raccrocher à l'ensemble.
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