Pour s'infliger ces traversée pénibles, s'obstiner à lutter contre l'entrave des plantes, subir la barrière des rivières, plutôt que de se limiter aux lieux balisés de chemins ou faire des sauts de puce en hélicoptère ? Parce que surmonter les obstacles est une excitante gageure. Parce que nous rêvons que notre marchout dessine un trait pur, linéaire sur la carte. Parce qu'il nous plaît de ne pas retenir comme seul beau, comme seul valable, ce que le jugement d'autrui a étoilé d'un "vaut le détour". Et parce que nous refusons d'accéder aux hauts lieux sans être passés par les bas, comme on parle de bas morceaux. Combien plus délectable est l'arrivée sur un site après la transition de ce qui l'entoure, de ce qui en fait l'écrin, la circonstance! (p. 69)
Cette pulsation, est-ce l'exploration du volcan ou les coups de boutoir dans notre poitrine? " Et toi mon cœur pourquoi bats-tu?" Je bats pour ces moments qui justifient la vie. Cette plénitude de l'être sûr d'exister, pure maîtrise de sa force, dans l'entière satisfaction d'un corps soumis à la volonté, et que traverse le vaste chant du monde. C'est pour cela que nous sommes partis. Notre voyage n'a pas d'autre alibi. Nous n'allons pas observer les ours, compter les saumons, étudier les volcans, sauver les cultures autochtones en péril. Pas de sponsors, pas de mots d'ordre, pas de slogans. Quittant un monde alourdi de symboles, nous sommes simplement venus vivre. (p.88)
Lorsque Charles Garnier présenta la maquette du bâtiment à l'impératrice Eugénie, Celle-ci poussa des hauts cris : qu'était cet "affreux canard" qui n'était ni dans le style grec, ni dans le style romain, ni dans le style Louis XV, ni dans aucun style connu et répertorié ? "Mais, Votre Altesse, lui répondit l'architecte du tac au tac, c'est du Napoléon III!".
L'opéra restaure le sentiment du tragique de l'existence, dont notre époque cherche si furieusement à se débarrasser, et en même temps il en console.