Chapitre 7 : Complications
L
es beaux jours s'installaient. Le vent soufflait doucement et venait ébouriffer les feuilles des arbres. L'odeur des fleurs flottait dans les airs, se promener dans les jardins du château était un véritable plaisir. Alors que toutes les dames portaient cet étrange masque sur leur visage, je captais un maximum de rayons de soleil et profitais de la chaleur printanière, assise sur un banc.
La fête de Pâques avait été... royale ! Le roi avait suivi mes idées et cela avait été un véritable succès. J'avais l'oreille du roi à présent. J'étais devenue sa conseillère de la night , enfin sa conseillère en événements. Je ne pourrais même pas le mettre sur mon CV... Pourtant, ça claque « conseillère événementiel » de Louis XIV"...
Aujourd'hui, je devais voir Monsieur, alias Philippe, le frère du roi. Je prenais quelques minutes pour prendre l'air avant de sauter dans un fiacre pour lui rendre visite au domaine de Saint-Cloud. Mon cher époux était occupé avec le roi sur je ne sais quelle affaire. Rien de bien important, sinon Louis m'aurait demandé quelles auraient été les conséquences. Je ne veux pas non plus avoir une grande influence sur l'Histoire. Les conséquences pourraient être désastreuses.
Il était temps de partir, je rejoignis la cour de Marbre où mon fiacre m'attendait déjà. J'avais réussi à me débarrasser temporairement de Claudine, trop occupée à gagner aux jeux de cartes.
Monsieur était un homme charmant et séduisant, marié à Henriette d'Angleterre mais amoureux de Philippe de Lorraine, aussi nommé le Chevalier de Lorraine. Un beau garçon, également. Henriette d'Angleterre n'était pas vraiment satisfaite des aventures homosexuelles de son époux et ne supportait pas du tout Philippe de Lorraine. Tu m'étonnes ! Ça ne doit pas être facile à gérer un ménage à trois, à la base, alors avec un autre homme...
Le fiacre ne traînait pas, nous arrivâmes vite à Saint Cloud. Le château était magnifique ! Je descendis sans encombre du fiacre et m'avançai jusqu'à la porte principale. La porte s'ouvrit sur le majordome qui me pria de patienter, le temps qu'il annonce ma venue.
J'admirais le hall d'entrée. Tout était magnifique ici. Loin de la cour... Monsieur n'appréciait guère Versailles à cause de tous les nobles qui guettaient tels des rapaces pour fomenter des petits complots...
— Monsieur va vous recevoir, me dit le majordome en revenant.
— Fort bien, répondis-je.
Je patientai encore un peu. Philippe d'Orléans descendit les escaliers avec grâce. Il était vraiment très beau, mais chasse gardée.
Chapitre 1 : Ici c'est Paris (extrait)
Caroline et moi la regardions avec une pointe d'effroi. Elle s'agitait sur la feuille, dessinant de longues lignes tout en fixant devant elle. Cela dura bien deux minutes. Deux longues minutes où mes mains devenaient moites d'embarras. Un peu cher le dessin... Qu'est-ce que je fiche ici ?
Lorsqu'elle s'arrêta de dessiner, ses yeux se fermèrent. Quand elle les rouvrit, ses yeux avaient repris leur couleur normale. Une goutte de sueur perlait sur son front.
— Alors verdict ? demandai-je en retirant poliment ma main de la sienne.
— Je vois un château... Un magnifique château dans lequel vous allez vivre. Mais... Rien ne sera simple, vous serez seule et perdue. Vous serez entre ici et ailleurs. Vous saurez lorsque vous y serez. Il y aura un homme. Il vous aidera mais jamais vous ne reviendrez vraiment de ce voyage...
Mon Dieu... Qu'est-ce qu'elle me raconte la vieille ? Je pense que ce bon vieux Nicéphore lui a fait passer quelques poudres...
Je restai silencieuse pendant qu'elle se penchait sur son buffet pour attraper un pendentif. C'était une pierre noire montée sur de l'argent ou du moins un métal y ressemblant. Peut-être de l'onyx noir... Ma tante faisait la collection des pierres... Il me semblait déjà en avoir vu une semblable à celle que Melinda avait dans la main.
— C'est pour vous. Vous en aurez besoin. Cette pierre a de grands pouvoirs.
— Elle en aura besoin pour son voyage ? demanda Caroline.
— Rien ne sera possible sans ceci, dit-elle en posant le pendentif dans ma main.
Dubitative, je lui donnai un billet et mis le pendentif dans ma poche de manteau. Nous la remerciâmes puis quittâmes sa tente. Je commençai à penser que je m'étais presque faite entuber. Au moins, j'avais un nouveau bijou. Quant au voyage et au château... Aller à Paris était déjà un voyage et la ville était pleine de châteaux... Y vivre me semblait complètement irréel. Qui a dit que les voyantes étaient dignes de confiance ?
C’était bien la première fois que je me laissais entraîner à une soirée par un homme que je venais de rencontrer. Il était un parfait inconnu, parce que son métier ne faisait pas de lui une connaissance. C’était comme si un comptable m’invitait à une soirée… C’est sûr que de ce point de vue-là, tout semble différent. Qu’il fût un acteur connu ne changeait rien à la situation, c’était un homme que je ne fréquentais pas et je ne devais pas agir comme si je savais réellement qui il était. Son travail étant de changer d’identité et de personnalité, tel un espion. Il arriva dix minutes plus tard, se garant complètement de travers. Je me hâtai d’ouvrir la portière et de monter dans la voiture. Il portait une chemise grise et un pull noir très élégant, il avait changé de pantalon également. Je n’attardai pas davantage mon regard sur lui et accrochai ma ceinture.
Elle devait être encore plus belle de jour, mais me ravissait déjà de nuit. Paris regorgeait vraiment d’endroits romantiques. Ville de l’amour, ville lumière, elle savait se transformer au gré des humeurs. Ville dangereuse, ville obscure, elle savait aussi montrer ses crocs pour se défendre, mais aussi se faire craindre. De nuit, la peur pouvait l’emporter sur la magie, selon où nous mettions les pieds. Attirante et repoussante dans sa démesure. Peut-être que j’avais encore la naïveté d’une touriste, mais je connaissais les limites de son pouvoir sur moi. J’aspirais au calme et non à l’effervescence, mais la nuit… Sa beauté m’emprisonnait, de son air m’empoisonnait et me retenait entre ses griffes magnifiquement sculptées par les siècles.
J’aime ta façon de voir cette ville, sa complexité et sa beauté. Peu de monde s’attarde ainsi et se pose autant de questions. Pourtant, si les gens passaient davantage de temps à se questionner et à trouver des réponses, peut-être que le monde irait un peu mieux.
Je chérissais chaque moment passé avec lui, nous étions bien ensemble. Certes, nous avions eu des prises de bec, comme tous les couples. Mais la plupart du temps, je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il me correspondait totalement, qu'il était celui qu'il me fallait. Même si ma courte vie amoureuse s'était apparentée à une longue traversée du désert peuplé de rares oasis de coups d'un soir, j'avais l'impression d'avoir trouvé chaussure à mon pied. Courageux, fort, fidèle, drôle et attentionné, il était séduisant et impressionnant. Je fondais littéralement lorsqu'il me souriait, comme une adolescente. Même si, ado, je n'avais jamais ressenti ça.
Il y a des jours qui se ressemblent et s’oublient, d’autres qui restent gravés à jamais.
Il avait laissé son empreinte sur moi quand nous avions échangé ce baiser. Je ne comprenais pas pourquoi cet homme me chamboulait autant, alors que nous n’avions passé qu’un bref moment ensemble… Était-ce l’aura qu’il dégageait ? Son entêtement peut-être à vouloir me connaitre ? Il m’avait menti pour m’approcher, mais qu’est-ce qui pouvait tant l’intéresser chez moi ? Est-ce que cette part de mystère était une des raisons pouvant expliquer l’attirance que j’avais pour lui ? Outre le fait qu’il soit très très très charmant et…
J’ai appris à le connaitre un peu, à dépasser sa simple apparence et à voir l’homme derrière le métier. Certes, il était charmant mais il était intéressant. Je le désirais davantage. Pourtant, il était encore beaucoup trop tôt, à mon avis, pour sauter le pas. Je ne sautais pas sur tout ce qui bougeait, sous prétexte d’avoir 30 ans et de devoir me plier aux exigences de la société dans laquelle nous vivions. Je lui sauterai dessus quand je serai sûre de moi. Pour l’instant, j’attendais de voir. Il valait mieux rester prudente.
Je me sentais bien avec lui, comme si tout était naturel, comme si je le connaissais depuis plus longtemps. Était-ce de l’amour ou une très forte attirance ? J’appréciais être avec lui, mon cœur bondissait dès que je le voyais, je voulais être dans ses bras mais était-ce vraiment de l’amour ? Cette nécessité d’être contre lui, avec lui… N’était-ce pas plutôt une espèce d’obsession ? Et lui, m’aimait-il ? Que ressentait-il ? Certes, nous voulions essayer de faire un bout de chemin ensemble… Mais…