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Citation de Charybde2


La première est qu’une œuvre réellement nouvelle est nouvelle non seulement par rapport aux œuvres précédentes, mais aussi par rapport à la perspective de recherche que les œuvres précédentes dessinaient aux yeux de la critique, ou plutôt semblaient dessiner. C’est même pourquoi, en littérature, une œuvre neuve peut être, au sens précis du mot, réactionnaire. L’œuvre de Stendhal, au milieu du romantisme, reste invisible non à cause de ses qualités alors sans emploi, comme on le dit souvent, mais plutôt parce qu’elle renvoie, de façon agressive, à l’idéologie du Directoire. Si ouverts que le critique essaie de tenir ses yeux, ils ne balaient jamais tout le champ du possible : ils sont orientés ; comme ces politiciens qui savent d’avance de quel côté l’histoire penche, ils savent, à défaut de la faire, de quel côté la littérature a le devoir d’aller. La critique moderne intelligente, par exemple, est ce que j’appellerais une critique de gaillard d’avant : elle a l’œil braqué d’avance sur les nouveaux mondes. Ces mondes nouveaux, elle en a déjà dépassé beaucoup : elle s’est fait à la longue une idée de leurs signes distinctifs : elle sait qu’avec chacun tout est neuf et étrange, dépaysant : les fleurs, les odeurs, les bêtes, et ces mondes neufs s’appellent, si l’on veut, Baudelaire, Mallarmé, Rimbaud, Jarry, les poètes du surréalisme ; ils s’appellent aussi, dans un autre ordre, Proust, Joyce, Kafka. Elle s’est fait tant bien que mal une idée du moment où il convient de crier : « Terre ! » Elle sait que chaque fois l’apparition a été marquée par une sorte de secousse d’ordre métaphysique : une modification violente, très apparente, des rapports de la conscience avec le monde, avec le temps, avec la liberté. (« Pourquoi la littérature respire mal », 1960)
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