AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Charybde2


La dernière scène de Don Juan pourrait servir à illustrer d’une manière tragique une tentation congénitale à l’artiste. Il vient toujours dans sa carrière un moment assez dramatique où s’invite d’elle-même à souper au coin de son feu une statue qui n’est autre que la sienne, dont la poignée de main pétrifie, et dont quelque chose du regard médusant passe avec un éclat glacial dans un des vers les plus célèbres de Mallarmé. Une lutte épuisante, jusqu’à la dernière seconde, contre l’étreinte paralysante de l’homme de pierre fait souvent – et on serait tenté de dire : à notre époque surtout – la trame pathétique de toute une vie d’artiste en fuite devant sa propre effigie, acharné à ne pas se laisser rejoindre au moins avant le seuil final – à ne pas se laisser dévorer avant l’heure par le monstre qui croît et se fortifie du sang qu’il perd. À un abandon sans vergogne au premier signe des bras de marbre se reconnaissent sans doute ces siècles classiques qu’on s’acharne à nous représenter comme si sévères pour eux-mêmes. Mais pour nous, le coureur en dût-il se désunir disgracieusement, nous mettons une joie angoissée à suivre ces zigzags de bête forcée, obstinée encore à donner le change, à brouiller les pistes – et à la seconde même où il est terrassé, quelque chose en nous de très profond surgit pour lui prêter le mot final du Caligula de Camus : « Je suis encore vivant ».
Il n’est guère d’écrivain vivant qui s’adonne aussi libéralement que Breton à cette passion de bouger qui consterne aussi fâcheusement les critiques que les photographes.
Commenter  J’apprécie          20









{* *}