AUBRAC
Il faut si peu pour vivre ici. De ce balcon où penche la montagne à l´heure où le soleil est plus jaune, il ne reste plus à choisir qu´à droite la banquette où l´herbe noircit sous les châtaigniers, à gauche la Viadène au loin déjà toute bleue. A mi-pente, la journée respire. De cette galerie ample et couverte où glisse la route de gravier rose au-dessus du Causse gris-perdrix, on voit mûrir très bas les ombres longues dans la lumière couleur de prune. Tout commande de faire halte à ce reposoir encore tempéré où la terre penche, pour respirer l´air luxueux de parc arrosé, la journée qui s´engrange dans les rais du miel et la chaleur de l´ambre, jusqu´à ce que l´œil gorgé revienne à la route rose qui monte sous le soleil avant de tourner dans l´ombre d´un bois de sapins, et que ta main déjà fraîchisse avec le soir - ta main qui laisse filtrer le bruit plus clair du torrent, ta main qui me tend les colchiques de l´automne.
Nous monterons plus haut. Là où plus haut que tous les arbres, la terre nappée de basalte hausse et déplisse dans l´air bleu une paume immensément vide, à l´heure plus froide où tes pieds nus s´enfonceront dans la fourrure respirante, où tes cheveux secoueront dans le vent criblé d´étoiles l´odeur du foin sauvage, pendant que nous marcherons ainsi sur la mer vers le phare de lave noire par la terre nue comme une jument