L'écriture de Céline ne doit pas être vue comme une recette, où que ce qui fait son génie est la somme
mathématiquement pesée d'ingrédients. Diable non ! C'est une question de rythme, d'émotion, la "note juste". C'est un musicien de l'écriture.
P 29.
Qu'est-ce qu'un écrivain génial ? Vaste question. Le génie est celui qui bouleverse les lois du genre et porte son bouleversement à son apogée. C'est le martyr qui vit l'appel de l'écriture comme essentiel à son existence, prêt à tout sacrifier, lui y compris. celui qui réinvente la littérature et la langue qui va avec. C'est aussi le style. Surtout le style. la musique, les sons, les silences. Celui qui a tout. Qui prend le bloc de la littérature en entier pour le sculpter. L'écrivain génial est indépassable. C'est tout. C'est Céline.
P 129.
D’aucuns lui ont reproché ses visions hallucinatoires, mais la recette de Louis-Ferdinand Céline est l’hallucination. On ne peut comprendre Céline si l’on ne rentre pas dans son exagération, dans son hallucination, dans sa vision effrayée de la réalité qu’il décrit, et qui est la condition de sa compréhension visionnaire de cette dite réalité. Personne n’a jamais reproché à un Bosch, à un Edvard Munch ou encore à un Van Gogh leurs visions hallucinées et délirantes, au contraire !
Par cette volonté du mouvement, Céline a voulu faire danser l’écriture, avec ses points d’exclamation, ses ellipses, ses métaphores, ses ruptures, ses points de suspension... Ce qui compte également dans la révolution littéraire et langagière de Céline, ce sont les silences entre les mots, les suspensions entre les phrases... et puis la vitesse de sa rhétorique... C’est tout un travail... ! Travail d’orfèvre !
Il y avait un gouvernement qui travaillait à reprendre les rênes du pouvoir en France si l’Allemagne gagnait la guerre face aux Alliés. Charlots ! Gugusses ! Pitres ! Guignols ! Tout était drôle. Et les situations devenaient céliniennement drôles à son contact.
La vie politique à Sigmaringen servait à Céline des scènes loufoques sur un plateau d’argent. Plus qu’à les transposer... !
Mais, je vous devine ! ça vous chatouille l’orteil... je le vois bien !... d’accord, le Voyage... Mort à crédit... D’un château l’autre à la limite !... Pas plus ! la suite ? Nein ! pamphlet et chienlit... complexe zéro... on y comprend plus... Trêve ? pensez-vous !... l’histoire ne s’arrête pas là... ça roule... vers le Nord...
Il croque le réel avec ironie et sarcasme, balaie les idées et réinvente la langue. Exagération, insulte, accumulation, ambivalence, moquerie... Ce rire grinçant à bouche grande ouverte est le plus profond témoignage du désenchantement émotionnel à l’égard de l’Histoire.
Il faut se tourner vers Rabelais pour discerner les racines comiques de l’œuvre célinienne. En se positionnant du point de vue stylistique et langagier, Rabelais et Céline génèrent dans l’écriture un rire issu du comique du langage populaire.