Julio Martín Alarcón

L'Ange de Budapest est une enquête journalistique digne d'un roman d'espionnage. Le lecteur se trouve pris au piège dans la Hongrie cauchemardesque de l'année 1944, aux côtés de l'Espagnol Ángel Sanz Briz surnommé le Schindler espagnol, qui sauva 5200 personnes en les faisant passer pour les descendants des juifs expulsés d'Espagne par les rois catholiques. Le journaliste Julio Martín Alarcón dresse le portrait d'un homme généreux dans un ouvrage passionnant solidement documenté, riche d'archives et d'entrevues. En refermant l'ouvrage, on ne regrette qu'une chose, que Sanz Briz ait été si discret et qu'il n'ait pas laissé le récit de ce qu'il vécut cette année-là.

On connaissait les noms des diplomates Aristides de Sousa Mendes et Raoul Wallenberg, qui délivrèrent des milliers de visas. On redécouvre Ángel Sanz Briz, trentenaire ancien officier dans l'armée franquiste, chargé d'Affaires à l'ambassade espagnole de Budapest. Témoin des exactions quotidiennes commises contre les juifs par les Croix Fléchées hongroises puis par les Allemands qui occupent le pays en mars 1944, il n'a de cesse de prévenir Madrid. Mais cela ne suffit pas. Sanz Briz va dès lors s'ingénier à trouver le juste équilibre entre la neutralité de son ambassade et les démarches qu'il peut entreprendre pour sauver des vies.

Face à l'indifférence de ses supérieurs et à la machine nazie symbolisée par Adolf Eichmann arrivé personnellement en mars 1944 pour préparer l'extermination des juifs hongrois- on dit que le beau Danube bleu est devenu rouge- , Sanz Briz établit des sauf-conduits basés sur un antique loi de 1924 concernant les juifs expulsés d'Espagne en 1492, qui donnerait à leurs descendants le droit à la nationalité espagnole, négocie des autorisations auprès des autorités hongroises, délivre des passeports non pas personnels mais familiaux, s'appuie sur des collaborateurs fidèles, des délégations étrangères, sur la Croix-Rouge, le Vatican, loue des appartements sur ses fonds personnels, va jusqu'à héberger des familles au péril de sa vie.

La diplomatie est un art dont Ángel Sanz Briz est la parfaite illustration. Il put sauver des vies sans aucun soutien de son gouvernement, tout en protégeant les intérêts de l'Espagne, accepta de servir de caution morale au régime franquiste désireux de redorer son blason après la guerre et son rôle ne fut salué que bien des années plus tard.