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Critiques de Jusuf Vrioni (16)
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Les Tambours de la pluie

Enfin j'ai lu un roman d'Ismaïl Kadaré et plongé dans l'histoire de l'Albanie.



De l'Albanie, je connais peu de choses si ce n'est que c'est un pays des Balkans, fort peu donc. Avec ce roman, on plonge dans l'histoire de ce pays aux prises avec son énorme voisin: l'Empire Ottoman. L'Empire Ottoman est un ogre puissant qui croque tous les pays ou groupes alentours. Petit pays, l'Albanie est forte d'un héros légendaire Skanderberg. Il a provoqué les Ottomans et ceux ci ne comptent pas laisser passer.



Ils entament donc le siège d'une citadelle albanaise. Le roman nous raconte ce long long siège, les attaques, les ruses, les canons, les morts. Ce qui pourrait être lassant, est parfaitement réussi, on ne s'ennuie pas à lire les différents actes de cette guerre. C'est sans aucun doute dû au talent de l'auteur et aux choix narratifs faits.
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Les Tambours de la pluie

Cela fait plus de vingt ans qu'on avait découvert Ismail Kadare, porte-drapeau de la littérature albanaise.

Et cela doit bien faire la quatrième fois qu'on lit et relit Les tambours de la pluie, sans doute son meilleur roman, en tout cas celui qu'on préfère.

C'est peut-être aussi la porte la plus facile d'accès sur l'Albanie de Kadare.

En l'an 1443, alors que l'Empire Ottoman est aux portes de Vienne, les albanais de Georges Kastriote faussent compagnie au Sultan ...

C'est le début d'une longue guerre entre l'immense empire turque et la petite et fière Albanie.

Les invasions s'enchaînent, les sièges s'éternisent mais les sultans se succèdent sans succès et la petite et fière Albanie résiste, du moins pendant plus de trente ans.

Il y a un peu d'Astérix ou du village gaulois (l'humour en moins) dans cette histoire. Ou de Jeanne d'Arc (les voix en moins).

Georges Kastriote, dit Skanderberg, devient le héros national.

Les tambours de la pluie racontent l'un de ces sièges, au début du conflit.

On assiste en effet à un véritable siège du temps jadis, du temps où l'on coulait encore les canons sur place.

Les albanais de la citadelle de Kruja sont assiégés par les innombrables armées turques.

Un siège qui s'éternise au fil des saisons et lorsque les turcs trouvent enfin l'aqueduc enterré et secret, on croit bien que la soif aura raison de la résistance albanaise ... jusqu'à ce qu'on entende les roulements des tambours de la pluie.

Les tambours de la pluie qui, dans la tradition militaire turque, annoncent l'arrivée des nuages : la saison des pluies sauvera donc les assiégés. Du moins pour cette fois.

Le bouquin de Kadare nous conte tout cela de manière habile : nous sommes en effet dans le camp des turcs, aux côtés du pacha et de son chroniqueur. Dans le camp des "autres" donc, et comme "eux" désemparés devant la citadelle imprenable.

Entre chaque chapitre, quelques lignes nous éclairent sur la situation des assiégés, le camp de Kadare, le camp du "nous".

Car derrière cette histoire médiévale se cache (à peine) le propos de Kadare, chantre de la fierté nationale albanaise.

Cet ancien combat a en effet, pour les albanais, un écho beaucoup plus récent : lorsqu'en 1960, l'Albanie communiste de Enver Hoxha rompt ses relations avec le grand frère soviétique devenu à ses yeux un peu trop encombrant.Ismail Kadare

Les armées turques (euh, pardon : les armées soviétiques) envahiront Budapest et Prague mais la petite et fière Albanie ne sera jamais inquiétée !

Bien sûr il faut prendre avec un peu de recul le discours de Kadare : les couleurs du nationalisme sont souvent troubles et Enver Hoxha ressemblait sans doute plus à un dictateur communiste qu'au héros Skanderberg de 1443.

Mais les écrits de Kadare ont gardé leur fraîcheur des années 70, bien avant que n'éclatent les balkans. On peut savourer sans arrière-pensée une très belle plume au service de son pays et de sa culture.
Lien : http://bmr-mam.over-blog.com..
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Les Tambours de la pluie

Nous sommes en 1443. L’immense armée ottomanes assiège la citadelle albanaise de Kruja (Krujë) qui résiste envers et contre tout dans une guerre sans merci. Les Turcs attendent la reddition des Albanais assoiffés. Les tambours de leur armée donnent le signal des attaques. Donneront-ils le signal de la pluie libératrice? Ce roman relate l’épopée de Scanderbeg, héros national albanais dont le surnom est une déformation d’Alexander Bey (Alexandre le Grand), de son vrai nom, Georges Kastriote. En Albanie, vous trouverez ses statues et plein d’objets au nom de Scanderbeg (vin, biscuits,...). Enfant, il fut enlevé par les Turcs, élevé à la cour du sultan, puis devint général dans l’armée ottomane avant de se retourner et de prendre la défense de son peuple. Le château de Skanderbeg à Krujë est maintenant un musée Le roman alterne des chapitres vus par les Turcs, mettant en scène de multiples personnages qui se chamaillent, et de plus brefs chapitres en italiques, écrits par un chroniqueur albanais où aucune individualité n’est citée et mise en avant pour montrer l’unité du peuple. Avant chaque bataille, le Pacha réunit son conseil: architecte des machines, intendant chargé de nourrir cette colossale armée, spécialiste des poisons, astrologue chargé d’annoncer les jours favorables, chef des fondeurs de canons, chroniqueur, officiers... Ils ne sont jamais d’accord et plusieurs seront rétrogradés après l’échec de ce qu’ils proposent successivement. Les assaillants des murailles reçoivent des brulots incendiaires. On creuse un souterrain, on tente de saboter l’aqueduc, d’introduire la peste,... Les Albanais, nombreux mais unis et plus ingénieux, déjouent chaque plan et les pertes sont énormes parmi les guertekindjis, dalklitchs, janissaires, serdengestlers, musélems, asapes, sandjakbeys, tchaouckes, djébelous et autres militaires ottomans.

Avant de partir, le pacha se demande s’il doit amener quelques-unes de ses 18 femmes, vu que les Albanaises sont de grande beauté. Finalement, il en prend quatre et laissera les Albanaises à ses officiers.

Les canons les plus puissants jamais fabriquées, «ces armes nouvelles, changeront la nature de la guerre, (et) rendront les citadelles inutiles».

«Calme plat. Apparemment, ils s’apprêtent à donner l’assaut. On les voit préparer des cordes, des échelles et d’autres appareils»... La première bataille (chapitre IV) est véritablement cinématographique avec l’assaut des murailles, la riposte des archers, les échelles incendiées,... Du grand art. Les Ottomans espèrent encore.

«La nuit où on prendra la citadelle. Quel sabbat ! Quelles orgies ! Leur désir assouvi, les hommes échangeons leurs captives. Ils les garderont une heure, puis les revendront pour en racheter d’autres. Elles passeront de tentes en tentes... Nous dépouillerons leurs femmes et leurs jeunes filles de leurs vêtements impudiques pour les revêtir de la noble mante noire, bénie par la religion. Nous leur ferons courber leurs têtes indociles... comme le prescrit le saint Coran... Les prix, qui n’étaient jamais fixés, variaient d’heure en heure. Ils dépendaient généralement du nombre de femmes capturées... Les blondes étaient généralement plus appréciées et parfois, leur prix montait si haut que seuls les officiers supérieurs... pouvaient s’offrir le luxe de les acquérir... Les prix, élevés au retour de l’expédition, baissaient parfois brusquement le lendemain... ils étaient prêts à s’en débarrasser à moitié prix». Des acheteurs les achetaient en grand nombre le matin, sachant que les prix remonteraient le soir».

«Le deuxième canon manqua par trois fois sa cible... La pièce doit être possédée du démon, dit le mufti... Allah nous a choisi cette mort, il nous faut l’accepter».

«Le 26 juillet, nous décidâmes de faire effondrer la galerie».

Le chapitre VIII relate les conversations des femmes. Exemple: «S’il est victorieux, il sera promu... s’achètera de nouvelles femmes, et nous aurons de nouvelles compagnes. Ah, comme ce sera amusant s’écria Edjère. S’il est vaincu, il nous vendra, et qui sait quel sera notre destin, peut-être meilleur, peut-être pire».

«Ils (creusent) là où aurait dû se trouver le canal... Notre ancien aqueduc passait autrefois là... et ils nous auraient depuis longtemps coupé l’eau si, prévoyant ce long siège, nous n’avions ouvert un nouveau canal qui suit... un chemin imprévisible... Ce qu’ils n’ont pas réussi à obtenir par les canons et la galerie, ils espèrent maintenant l’atteindre par la soif». L’aqueduc sera percé, mais il reste trois puits dans la citadelle.

Pendant ce temps, Scanderbeg se cache dans la plaine, attaque les Turcs de nuit, par surprise, et détruit les caravanes qui assurent leur ravitaillement.

L’allabey demanda à Siri Selim combien de jours il faudrait attendre, après le lancement des rats infectés par la peste pour que la première maladie se déclarât, mais les Albanais installent des pièges à rats.

«Les assauts auront lieu chaque jour, ou presque, sans tenir compte des pertes ni des obstacles» car la saison des pluies approche, et la citadelle aura de nouveau assez d’eau. Bientôt, les tambours annoncent la pluie.

«Nous avons cru leur donner la mort, alors que de nos propres mains, nous les rendions immortels».

«Et maintenant, qui nous achètera ? - dit Leïla».

L’Albanie a souvent été dominée, et longtemps par l’Empire Ottoman. Beaucoup de romans de Kadaré exaltent le courage des Albanais contre ceux qui veulent les asservir, et en filigrane, derrière celui-ci (de 1970, 10 ans après la rupture du pays avec l’URSS), comme dans d’autres, on trouve aussi une subtile dénonciation de l’asservissement au grand frère soviétique.

J’ai eu la chance de prendre le thé avec Kadaré et sa femme à Durrës, en 1987, un homme charmant parlant très bien français. Écarté de la nomenklatura communiste, il finit par être qualifié d'«ennemi» lors du Plénum des écrivains en 1882 mais, trop apprécié, ne subit aucune sanction. En disgrâce pour sa subtile critique du régime, il obtient l’asile politique en France en 1990 et est fait commandeur de la légion d’honneur. Comme Kundera et d’autres, il fut souvent cité pour le Nobel sans l’obtenir.
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Les Tambours de la pluie

Kështjella

Traduction : Jusuf Vrioni



ISBN : 9782070371426



Deux extraits de ce roman sont donnés sur Babélio

Une liste des personnages de ce livre sera bientôt disponible sur http://notabene.forumactif.com/





Qu'on apprécie ou pas l'homme qui se cache derrière les lunettes d'Ismail Kadare, on ne saurait nier à l'écrivain qui co-habite avec lui un grand, un très grand talent. Ces "Tambours de la Pluie", parus dans leur langue originelle sous le titre peut-être plus révélateur, de "La Citadelle", en constituent une preuve nouvelle et éclatante.



Notons cependant que, pour une fois, le titre français est pratiquement aussi évocateur que l'original puisque la pluie et les roulements de tambour qui, dans les camp ottoman, annoncent sa venue, tiennent ici, et de façon assez paradoxale car on ne les entend à vrai dire que deux fois, le tout premier rôle, bien avant, pourrait-on dire, les troupes en présence, celles, énormes, de la Sublime Porte opposées à celles, forcément réduites mais terriblement pugnaces, de la pugnacité du désespoir, des Albanais retranchés dans la citadelle qu'ils défendent.



De la pluie, de son absence ou de sa présence, dépend l'issue du siège. Tout le monde le sait, aussi bien les assiégés dont le porte-parole s'exprime dans de brefs chapitres en italiques que les assiégeants, auxquels reviennent les chapitres plus longs en caractères normaux. Longueur bien explicable puisque l'Empire ottoman, dans sa longue marche décidée vers l'Europe - rappelons que, deux siècles après les événements relatés par Kadare, les Turcs seront aux portes de Vienne d'où parviendra heureusement à les chasser le roi de Pologne Jean III Sobieski - n'a cessé de jeter dans la bataille un maximum de troupes. Si "Les Tambours de la Pluie" se termine par leur défaite et même par le suicide de leur chef, Tursun Pacha, qui n'a pourtant failli ni en courage, ni en talent de stratège mais préfère mourir de sa propre main plutôt que de celle des sbires d'un sultan qui envoie en fait ceux dont il veut se débarrasser combattre les redoutables et fiers Albanais, les Turcs, un jour, finiront par conquérir la fameuse citadelle et quelques autres et à soumettre, on le sait, l'Albanie tout entière.



Pas plus qu'elle ne le fera au XXème siècle en faveur de la Tchécoslovaquie ou de la Pologne dépecées par Hitler, l'Europe ne viendra pas en aide à l'Albanie du XVème siècle. Qu'ils se débrouillent avec les mahométans, ces lointains Albanais qui ne sont d'ailleurs que des chrétiens orthodoxes et ne s'agenouillent pas devant Rome ! Leur pays n'est pas franchement la porte à côté et avant que les Turcs arrivent à Vienne, bien de l'eau aura coulé sous les ponts ... Si encore ils y arrivent un jour ! ...



Le Temps tourne et file mais les mentalités politiques, on peut le constater, demeurent. Comment, dans de telles conditions, s'étonner des perpétuels recommencements auxquels semble vouée l'Histoire ?



Fort heureusement, la résistance nationale fait aussi partie de ces éternels retours historiques. Le récit de Kadare rend hommage au premier héros national albanais, Gjergj (ou Georges) Kastriot, mieux connu sous le surnom que lui donnèrent ses ennemis les Turcs : Iskander Bey [= prince Alexandre, par référence à Alexandre le Grand], devenu, par allitérations successives, Skënderbeu en albanais et Skanderbeg en allemand et en français.



Skanderbeg rôde dans les pages des "Tambours de la Pluie" mais on ne le voit jamais. Ses attaques-éclair se font en général de nuit et sont la terreur des Ottomans. Ceux-ci n'ignorent pas son courage car ce prince albanais fut jadis pris comme otage à la cour du Sultan et grandit pour devenir un janissaire, en d'autres termes l'un des membres d'un véritable corps d'élite de l'armée musulmane. Il a si bien combattu pour Murad II que celui-ci l'a fait gouverneur général de certaines provinces albanaises. Mais après la mort de ses frères, empoisonnés dans des circonstances mystérieuses, le dernier des Kastriot se laisse submerger par la révolte et, rejetant l'islam qu'on lui a imposé, redevient chrétien et prend la tête de la rébellion contre la Sublime Porte. De succès en succès, invisible mais terriblement présent, Skanderbeg entre vivant dans la légende albanaise : il n'en sortira plus jamais et aujourd'hui encore, son nom continue à être vénéré dans son pays natal comme celui du premier libérateur de l'Albanie.



N'allez pas croire pour autant que Kadare nous donne ici un roman revanchard ou d'un claironnant chauvinisme. Bien au contraire : son coup de génie est de nous présenter tous les protagonistes, Turcs et Albanais, du plus humble fantassin au pacha en personne, sous leur aspect avant tout humain. Ils sont capables de fanfaronner, de pavoiser, de triompher mais aussi de souffrir, de réfléchir à la condition de l'Autre au-delà de la leur et de s'interroger enfin, pour les plus intelligents, sur la vanité de toute chose en ce monde. Les seules exceptions - ce qui n'étonnera personne - appartiennent à la race des politiques et des religieux. Kadare voue d'ailleurs à ces derniers une haine bien particulière et dépeint leur fanatisme inexorable, intemporel comme une force aveugle et infiniment malveillante, susceptible de jeter n'importe quelle troupe dans le plus sanglant et le plus sot des massacres pour la seule gloire supposée de Dieu.



Cette haine s'explique en partie par le fait que les Turcs ne se contentèrent pas de chercher à islamiser l'Albanie. Ils firent bien pire : ils cherchèrent, en l'interdisant, à éradiquer la langue du pays. Non tant par mépris de l'albanais et par vénération de leur propre dialecte mais parce que l'albanais était, avec le latin, la langue du clergé local, évidemment chrétien. Cette tentative d'assassinat linguistique est probablement la plus grave erreur commise par la Sublime Porte dans son traitement des terres et des populations albanaises.



N'oublions pas de mentionner les quelques femmes de ce livre : on ne voit pour ainsi dire pas les Albanaises assiégées, sauf lorsqu'elles viennent sur les remparts de la citadelle assister au spectacle du cheval assoiffé que les Turcs font tourner et tourner dans l'espoir qu'il parviendra à dénicher les canalisations cachées qui alimentent en au la forteresse ; les concubines que le pacha a emmenées avec lui sont au pire des objets, au mieux des ventres ; quant aux malheureuses prisonnières ramenées d'une razzia par les soldats turcs, elles ne survivront pas aux viols multiples qu'elles auront à subir. Pour toutes, le lecteur tire le triste constat d'un machisme certes omniprésent chez les Ottomans mais qui semble presque aussi naturel chez les Albanais.



En résumé - si la graphomane que je suis peut se permettre l'expression - "Les Tambours de la Pluie" est un roman ample, puissant, d'une puissance qui repose sur une technique d'une simplicité absolue. L'auteur se veut d'une impartialité totale, sauf quand il désigne du doigt les véritables responsables du siège : la classe politique et religieuse. Il n'y a pas vraiment de "méchants" et de "bons" dans ce roman, rien que des hommes, avec leurs grandeurs et leurs faiblesses, qui s'affrontent pour une certaine idée qu'ils se font de leur nation. Fatalement, cette idée diverge selon la partie prise en compte et pourtant, tous souffrent et s'interrogent, sous la chaleur éclatante de cet été qui semble ne jamais vouloir prendre fin. Et puis, c'est l'éclatement, les tambours de la pluie se mettent à résonner et l'espoir change de camp - enfin, jusqu'à l'été prochain ... ;o)
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Les Tambours de la pluie

Les tambours de la pluie restent bien silencieux durant ce siège interminable. La chaleur accable les assiégés ; elle offre une aide puissante aux assaillants. Et lorsqu’ils résonnent enfin, ils sonnent le glas de la bataille terrible ainsi que celui des destinées humaines qui se sont, des semaines durant, fracassées contre les murailles.



L’action de ce récit, entre conte et roman, se passe en Albanie, au milieu du 15ème siècle. Georges Kastriote Skanderbeg s’est révolté contre le sultan d’Istanbul, entraînant son pays dans une quête à la liberté qui trouve, en son chemin, le plus puissant empire de ce temps : l’empire ottoman. Tursun pacha, redoutable chef militaire, se trouve en charge de prendre une citadelle – c’est le nom du titre en albanais – que vient de quitter Skanderbeg.



Tout au long du récit, les armées ottomanes échouent contre les remparts. Les combats sont féroces, le sang coule à flot. La nuit, les Ottomans sont harcelés par Skanderbeg qui suscite l’effroi chez l’envahisseur. Ne reste bientôt plus qu'une obsession : quand viendra la pluie qui délivrera les assiégés et désespérera les assiégeants ?



Le récit tient du conte car il exalte la nation albanaise, qui s’est notamment forgée lors de ces guerres contre les Ottomans. La figure de Skanderbeg est un symbole sacré, celle du héros libérateur et invincible et qui concentre en lui toutes les valeurs de résistance et de liberté du peuple albanais.



Mais ce qui est intéressant, dans ce récit où se mêlent plusieurs destinées de personnages de rang divers - un historien, un janissaire, un maître fondeur de canons, le pacha, un astrologue … -, c’est que la parole est avant tout turque, et que seules quelques pages rendent compte de l’état d’esprit des assiégés. En montrant la force de l’empire – ses troupes innombrables et organisées, ses chefs valeureux, ses talents de techniciens –, Ismaïl Kadaré montre combien la détermination des Albanais est importante, eux qui n’ont même plus d’eau, quasi plus de vivres et leurs épées pour seules armes.



Kadaré opère, en ce récit, une habile transposition de ce qui se passa entre l’Albanie et l’URSS dans les années 1960 lorsqu’Enver Hoxha, mécontent de la politique de déstalinisation, rompit peu à peu avec le grand frère russe, qui était alors l’une des deux superpuissances de l’époque, pour essayer de trouver sa voie propre dans le socialisme. On peut aussi y voir une transposition dans un contexte médiéval albanais de l’Iliade d’Homère, dans laquelle les Albanais tiennent le rôle des Troyens – le cheval assoiffé qui cherche l’eau, n’est-il pas celui que les Grecs construisirent pour entrer dans Troie ? – face à une armée déterminée à passer autant de temps que nécessaire pour prendre la cité.
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Les Tambours de la pluie

Belle découverte que ce roman albanais dans lequel nous suivons le siège d'une citadelle par les Turcs au XVème siècle.



À travers le récit de l'auteur, nous découvrons le quotidien du camp des envahisseurs : les grades, les conseils, les reflexions sur les stratégies à adopter, les luttes de pouvoir également, les enjeux qui se cachent derrière la victoire ou la défaite, les difficultés à nourrir tout le monde et surtout la baisse de moral au fil du temps. Nous y apprenons aussi les débuts de l'utilisation du canon.



Les Turcs ont dû mettre toutes leurs idées en place, que ce soit de la coupure d'eau à l'envoi d'animaux infectés de maladies diverses et variés. Ces soldats turcs se sont battus avec acharnement.



J'ai trouvé la narration très intéressante, cette dernière alternant entre de longs passages centrés sur les envahisseurs et d'autres plus courts et en italique donnant la parole aux assiégés.



Ismail Kadaré nous montre ici une lutte disproportionnée puisque l'Albanie qui était faible et avec peu de moyens s'est retrouvée en proie aux griffes d'une grande puissance militaire, si ce n'est la plus grande puissance de l'époque. Combat donc complétement inégal, même si la citadelle tient, grâce aux éléments naturels finalement.



C'est ici un choc au sens propre avec d'innombrables morts, mais aussi au sens figuré : choc culturel puisqu'elles sont très différentes l'une de l'autre (par exemple langue différentes, pas les mêmes mœurs, les Turcs sont choqués de voir apparaitre les femmes albanaises aux remparts et de voir leurs yeux alors que les femmes turcs sont voilées), choc donc aussi des religions (les turcs étant musulmans et les albanais chrétiens). Cette différence est bien visible dans le roman puisqu'il y a souvent des références à Allah pour les uns et à la croix ou à Dieu pour les autres.



Une fois de plus, nous apercevons l'absurdité du genre humain, le désir assoifé de conquêtes d'autres territoires, au détriment de la vie et de la paix.



Cette histoire d'une grande puissance attaquant une plus faible (mais non démunie de ressources finalement) fait étrangement écho avec la situation actuelle...
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Les Tambours de la pluie

Un livre des débuts de la carrière de Kadaré .Il conte la résistance des Albanais menés par Skanderberg contre l’Empire Ottoman. En1448 , une immense armée met le siège devant une citadelle qui défend le pays. Kadaré raconte ce combat de David contre Goliath alternant de longs chapitres vus du côté turc et de courts épisodes vus par les assiégés . Malgré un parti pris évident , il évite le manichéisme en créant des personnages attachants du côté assiégeants , évoquant certes les côtés barbares des ottomans ( châtiments corporels, viols, fanatisme) mais aussi leur impressionnant organisation militaire. Il met en scène l’épopée fondatrice du récit national albanais en insistant sur le rôle de défenseur de l’Occident contre l’expansion ottomane et sur la capacité de résistance de ce peuple poursuivie jusqu’à nos jours.
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Les Tambours de la pluie

D'habitude je ne suis pas nécessairement attirée par ce genre de roman, de siège. Mais celui-ci n'est pas écrit pas n' importe qui. On sent la maîtrise, la précision dans le langage, l'évolution des stratégies, le changement dans les points de vue. Du grand art. Peut-être pas le meilleur de Kadaré mais un vrai plaisir de lecture qu'il faut lire de préférence en se rendant sur place dans les montagnes isolées et rebelles d'Albanie.
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Les Tambours de la pluie

C’est la chronique de cette campagne d’un été qu’Ismail Kadaré, la personnalité littéraire la plus connue d’Albanie, invente dans Les tambours de la pluie. Plus qu’un récit guerrier et sanglant, on y trouve à la fois une riche galerie de personnages et une atmosphère pesante et de plus en plus tendue à l’approche de l’assaut final.
Lien : http://passagealest.wordpres..
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Les Tambours de la pluie

Kadare Ismaël

Les tambours de la pluie

Magnifique explication faite par « Belcantoeu « sur le site mais je voulais mettre un mot aussi car j’ai franchement bien aimé ce livre

J’ai appris une chose ce que sont « les tambours de la pluie » mais avant petit résumé du livre

Cela se passe en 1443, dans la plaine du Nish qui donnait accès à l’Europe centrale

Le Général Sanderberg, sous son nom aussi de Kastriote rentre en Albanie, enclave prisée par l’empire ottoman et qui fut le théâtre de très nombreuses et sanglantes incursions et batailles pendant de longues années en vue de l’annexion de ce territoire et l’extermination de ce peuple

Tout au long du récit on est étonné, voire effrayé des milliers si pas plus de soldats partis en guerre, des milliers de tentes, de drapeaux, un monstrueux appareil turc fut mis en place par Mehmet II, il est curieux de voir que cette armée partait avec non seulement des soldats, des tentes, les armes, mais ls cuisines, le forgeron pour la fabrication sur place des canons, l’astrologue, le journaliste, le poète et de plus ils savaient qu’ils partaient pour des mois

Curieux aussi, comme quoi les choses ne changent pas tellement, la constitution de cette armée :

La cavalerie légère, l’infanterie, la grosse infanterie, les troupes d’élites d’assaut puis les formation de la mort et à l’arrière les canons (je vous passerais le nom de ces différentes divisions)

Ce sont des guerres sanguinaires, à chaque attaque de la citadelle des milliers de soldats meurent, sont brûlés par l’huile et la poix

Les exactions au sein de l’armée lors d’une rébellion. Il semblerait que pendant plusieurs années ils soient revenus en masse sans grand succès car ils partaient au sont des tambours de la pluie

Oui, attaquant par temps sec et restant plusieurs mois, il s’arrêtaient et rentraient pour reformer une armée lors des première gouttes de pluies annoncées par lces fameux tambours car le danger était l’embourbement et fatalement l’issue fatale

Très intéressant et partie de l’histoire pas très connue mais comme l’on peut se rendre compte de l’horreur, on se dit que l’homme n’a pas vraiment changer

Ce qui est frappant aussi ce sont ces milliers d’hommes qui foncent vers la mort pour une solde minime tout cela pour l’empereur et la gloire de l’empire

A lire car bien écrit et décrit et cela rappelle en moindre part l’Albanie moderne des années 60 que les pays socialistes soumirent à un blocus implacable

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Les Tambours de la pluie

Un siège, un simple siège, jour après jour, qui s'éternise. Les soldats sont épuisés, les stratèges s'impatientent, vocifèrent, demandent du renfort. Rien ne bouge. Des histoires plus intimes aussi. L'histoire de l'Albanie s'écrit là et ce n'est rien moins que le plus grand écrivain du pays qui s'en empare. Magistral. Pourquoi pas le prix Nobel Pour Kadaré?
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Les Tambours de la pluie

Une incroyable histoire de guerre, de siège, de combats. Tout se vit à travers les yeux de différents personnages qui composent la grande armée du Pacha. On vit ce siège de la forteresse (long, épuisant, éreintant, assoiffé, meurtrier) aux côtés du Pacha, un commandant seul, qui ne peut pas se permettre l'échec. Et le grondement des canons, et la résistance des Albanais. Et l'attente de la pluie...superbe.
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Les Tambours de la pluie

Kadaré décrit le siège d'une ville Albanaise par les Ottomans, au travers du point de vue anonyme des assiégés et au contraire très personnels des "habitants" du camps. Les batailles sont lointaines, vues du haut de la colline où siège le Pacha, et c'est bien plus la vie du camps, les questions que se posent les assiegeants qui font tout le roman.
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Les Tambours de la pluie

Combien sont-ils, ce romans qui vous bouleversent à l'aide de mots et qui savent en faire tinter la délicatesse ?
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Les Tambours de la pluie

Encore un roman historique mais ici la durée est plus courte, seulement quelques mois. L’histoire raconte l’assaut d’une citadelle avec les deux points de vue celui des attaquants et celui des personnes qui se font attaquer. Pareille que pour l’autre roman historique, j’ai trouvé l’histoire longue et sans but précis puis la fin est assez étrange. Si vous aimez les romans historiques alors n’hésitez pas.
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Les Tambours de la pluie

C'est le troisième roman de cet auteur que je lis.

J'y ai retrouvé le style d'écriture acide , acéré et poétique à la fois que j'avais tant aimé dans "avril brisé".

Cependant je dois avouer que j'ai un poil moins adhéré à ce livre qu'aux deux précédents que j'ai lu ("avril brisé" donc et "chroniques de la ville de pierre") et que j'avais dévoré en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

Même si j'ai trouvé le point de vue narratif extrêmement intéressant, il m'a manqué le côté affectif. Aucun personnage ne me manquera et je ne me suis souciée d'aucun d'eux durant le récit.

J'étais donc un spectateur totalement neutre d'un siège sans merci ni pitié.



Je trouve un peu dommage d'avoir occulté le côté émotion même si ce roman reste d'une grande qualité et un vrai plaisir à lire.

Je me suis instruite, j'ai pas mal ri malgré l'horreur décrite à travers ces pages, mais mon cœur n'a pas bronché.



A lire quand même, rien que pour le passage avec le cheval que j'ai trouvé d'un comique irrésistible.
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