Les remontrances de papa seraient plus adaptées en salles de réunion. Pourtant, il dirige notre maison comme si maman et moi étions ses employés. Nous sommes toujours surveillés. Un seul faux pas et nous sommes virés ; bien que je ne sache pas exactement ce qui se passera si maman et moi en arrivons là. Est-ce qu’il divorcera ? Me mettra-t-il à la porte ? Pire encore, est-ce qu’il nous retirera nos cartes de crédit ? Papa, comme toute personne autoritaire, dirige son foyer en contrôlant les rentrées d’argent.
Transmis silencieusement par une lueur dans ses yeux et une tension dans sa mâchoire avant de me fuir comme si je n’existais pas. Ce seul moment où j’ai son attention inconditionnelle est ma triste addiction. Mon moment de vérité. Je m’expose à lui pendant quelques secondes tandis qu’il m’écorche jusqu’à l’os avec un souvenir partagé seulement entre nous. Mais comme toute drogue ou vice, je me sens vide dès qu’il disparaît de mon organisme. J’en redemande.
Les mensonges.
Tout le monde ment.
Tout le monde ne ment pas forcément bien.
Je fais partie de ces gens-là. Un mauvais menteur. Mes vérités sont comme de petits flashs de lumière. Des étoiles qui clignotent dans un ciel noir d’encre. Elles éclairent l’océan de gens en dessous de moi, révélant aux yeux de tous que je ne suis rien de plus qu’un sourire artificiel, fondant face à la douloureuse brûlure de la réalité.
La solitude qui attire chaque cellule de mon corps dans ses sombres profondeurs m’est presque trop dure à supporter. Certains jours, je peine à respirer. La souffrance est sadique, elle me coupe petit à petit, jour après jour, jusqu’à ce que je sois complètement vidé. Desséché et creux. Un dernier coup de pied au cœur avant d’être dispersé aux quatre vents, oublié.
La douleur que je garde scellée sous un couvercle menace de déborder. Avant, je détestais la douleur, mais je suis de plus en plus accro à elle. Parce que ma douleur, c’est lui. Rien que de penser à lui, j’ai les yeux qui se mettent à parcourir d’eux-mêmes la pièce.
Les mensonges qui s’accrochent à nous comme une seconde peau nous démangent. Je voudrais pouvoir les arracher de moi et les leur faire voir. Pour leur montrer que je suis brisé et malade. Que mon cœur est déchiré et que je ne sais pas comment arrêter l’hémorragie.
J’ai essayé de cacher ce que je ressentais pour mon meilleur ami pendant qu’il parlait des filles qu’il aimait et avec lesquelles il sortait souvent. C’était une certaine forme d’agonie de rester assis et de supporter ces sourires destinés à d’autres personnes.
Ils débordent d’émotions non dissimulées. La colère est son mensonge. La trahison est la vérité qu’il protège derrière. J’ai tout gâché entre nous. J’ai ruiné seize ans d’amitié. Nous étions des voisins ayant grandi comme des frères.
Une vague de chaleur remonte le long de ma colonne vertébrale. L’attirance que j’éprouve pour lui est un véritable brasier qui brûle en moi. Depuis toujours. Depuis que nous sommes préadolescents.
Les limites de mon monde, qui séparent la fiction de la réalité, m’apparaissent floues.
La vérité et les mensonges. L’amour et la haine.