[...]
"La nuit est belle et clair', c'est l'heure
où les morts du tombeau se lèvent,
pour t'approcher sans crier gare -
n'as tu donc, ma mie, peur de rien ?"
"Que craindre ? Tu es avec moi,
l'oeil de Dieu est par-dessus moi. -
Dis-moi, mon aimé, dis-moi donc,
ton père est en bonne santé ?
Ton père et puis ta bonne mère
lui plaira t-il de me connaître ?"
"Combien tu poses de questions !
Dépêche-toi, tu verras bien !
Dépêche-toi, car le temps presse
et notre route est longue encore. -
Que tiens-tu, ma mie, dans la main ?"
"Je tiens mon livre de prières."
"Jette cela ! car la prière
est plus lourde que la pierre.
Jette-le, pour marcher légère,
si tu veux suivre mon pas."
Il prit le livre et le jeta,
d'un saut les voici à dix lieues.
Ils cheminent par les hauteurs,
par le rocher, le bois désert;
dans les fourrées, dans les rochers
aboyaient les chiens sauvages;
et LA chevêche a annoncé
Qu'un malheur n'était pas bien loin. -
[...]
("Les chemises de noce", trad. Xavier Galmiche)
[...]
Et quand elles furent arrivées au fond de la forêt :
"Ho, c'est toi le serpent, c'est toi la bête !"
Les montagnes et les vallées ont pleuré,
tant les deux femmes s'en sont donné
sur la pauvre fille !
"Maintenant va t'amuser avec Messire le roi,
réjouis-toi avec lui comme il te plaira :
étreins son corps fringuant,
contemple son front lumineux,
jolie fileuse ! -
"Chère maman, comment faire ?
Où mettre ces yeux et ces membres ?" -
"Ne les laisse pas à côté du corps,
que nul n'aille les remettre ensemble -
emporte les plutôt avec toi !"
Et quand elles furent sorties du fourré :
"Ne crains rien, ma fille !
Vrai ! Tu es toute semblable à l'autre,
comme les deux yeux d'une même tête. -
Ne crains rien !"
Et comme elles approchaient du château,
le roi regardait par la fenêtre;
il sort à leur rencontre avec sa suite,
souhaite la bienvenue à la mère et à la promise,
il ne se doute pas de la traîtrise."
[...]
("Le Rouet d'or", trad. Hervé Huyghes-Despointes)
Rapide comme le vent, le cheval partit au galop sur un chemin que le Renard de Feu aplanissait devant lui pour mieux le détruire après son passage. De sa longue queue bouffante, le renard construisait et détruisait tour à tour des ponts sur les cours d’eau, comblait puis creusait de profondes vallées, arasait des montagnes pour les refaire ensuite exactement comme elles étaient auparavant.
(p.67) - L’Oiseau de Feu et le Renard de Feu.