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EAN : 978B00EOV3OFY
Les cahiers Slaves - Bohemica (30/11/-1)
5/5   3 notes
Résumé :
Le mince recueil du Bouquet, est l'unique œuvre " personnelle " d'un homme, Karel Jaromír Erben (1811-1870), qui dépensa par ailleurs toutes ses qualités intellectuelles à l'enquête ethnographique. Mais dans la conscience collective de Bohême, cette œuvre, " florilège " de thèmes et de formes issues de la culture populaire, le met, malgré la date relativement tardive de sa première édition, au niveau des plus grands noms de la littérature romantique. La postérité y ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
"Brille lune, brille,
vole mon aiguille !"

Même après des décennies, les vers de "L'Ondin" d'Erben me font toujours l'effet de la chair de poule par une chaude journée d'août.
Ma première rencontre avec ce recueil plein de terreur subtile, d'images effrayantes, mais aussi de pitié et de compassion, s'est passée en classe de sixième. le prof ne donnait pas de punitions ni de "mots", mais chaque bêtise et chaque oubli était passible d'une strophe de "L'Ondin" à apprendre par coeur. Ce qui a finalement mené à une situation sans précédent : même les cancres à deux doigts de redoubler devenaient progressivement des experts en récitation de ce bijou national, et ont fini par éprouver un attachement tout particulier à ce recueil de ballades folkloriques.
Voilà donc un incontournable classique tchèque de 1853, toujours extrêmement populaire dans son pays, et repris d'innombrables fois dans les pastiches divers, les BD ou les films.

Karel Jaromír Erben, ethnographe, archiviste, poète et collectionneur de textes anciens était, tout comme les frères Grimm ou l'écossais James Macpherson, l'un de ces grattes-papier nationalistes mordus de folklore, qui mettaient chaque dimanche de grosses bottes de marche et un manteau élimé pour arpenter la campagne à la recherche des trésors de la tradition orale, avant que ceux-ci ne se perdent à tout jamais.
Les résultats de ses pérégrinations vont aboutir à un recueil de contes, et à ce sombre "bouquet" d'une douzaine de ballades à la fois terrifiantes et jubilatoires, écrites dans un très beau tchèque au rythme simple et presque musical (et traduites plus ou moins heureusement en français par un collectif d'étudiants de la Sorbonne, sous la direction de X. Galmiche).

Les thèmes macabres et l'atmosphère à glacer les os reflètent pourtant la vie ordinaire des paysans, mais en montrant le côté sombre de l'âme humaine : trahisons, jalousies, avidité, malédictions, meurtres, anciennes coutumes païennes, personnages légendaires issues de l'imagination du peuple... tout cela va revivre à l'aide des descriptions expressives et surtout des dialogues, souvent répétitifs et typiques pour la ballade, qui vont monter crescendo jusqu'à l'inévitable fin tragique.

Prenons par exemple le célèbre "Ondin", personnage fantastique bien connu du folklore slave, qui porte un manteau vert et des bottes rouges, et qui garde les âmes des noyés dans des pots fermés au fond d'un étang. La mère peut bien interdire à sa fille de ne pas s'approcher du lac, mais celle-ci va désobéir, et la voilà devenue femme d'un monstre subaquatique et mère d'un "enfant aux cheveux verts". L'ondin se méfie de la perfidie féminine, mais il autorise cependant à sa femme d'aller rendre visite à sa mère, à condition de rentrer avant le crépuscule. Les deux femmes vont se barricader dans la maison, et quand l'ondin viendra réclamer son épouse, les petites natures n'ont qu'à bien s'accrocher.

Un autre merveilleux personnage est Polednice, "la fée du midi" dans une ballade éponyme, célèbre pour emporter sans pitié les enfants turbulents. Alors, quand la mère, exténuée, s'exclame :
"Fée du midi, viens et prends-le,
viens emporter le coléreux !" .... suivi par :
"Et voici qu'alors, de la salle,
la porte s'ouvre doucement..."
... vous arrêtez presque de respirer dans l'attente de ce qui va suivre.
Etrangement, la seule ballade à la fin heureuse, "Les chemises de noce", sur le thème d'un mort-vivant qui vient chercher sa fiancée, est une reprise du célèbre "Lénore" de Bürger à la fin tragique. Mais Erben décide de laisser la vie sauve à la malheureuse, en déchirant à sa place seulement un trousseau de chemises blanches.
Dans "Le trésor", la mère va oublier son enfant à cause d'une fabuleuse découverte dans une grotte.
Dans "La malédiction de la fille", une histoire d'infanticide, la fille maudira sa mère pour lui avoir laissé beaucoup trop de liberté.
"Le saule" reprend le vieux thème du vampirisme, et dans "Le rouet d'or", la méchante soeur va dépecer la gentille, pour se marier à sa place avec le roi. Et il y en a bien d'autres...

Malgré le côté macabre et archaïque de ces histoires inspirées par la morale de l'époque, les relations entre hommes et femmes, parents et enfants, et par l'éternelle question des fautes, des péchés et leurs expiations, c'est avant tout un beau "bouquet" poétique et un bel hommage au patrimoine culturel slave.
5/5 sans hésiter. Si un jour vous allez à Prague et que vous vous promenez à Kampa, vous remarquerez peut-être la statue d'un bonhomme bizarre assis à côté de la roue du moulin. Et vous vous souviendrez alors de la terrifiante histoire de l'ondin et de sa femme...
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Le thym est en deuil, le lys meurt deux fois, le saule pleure. Les fleurs sauvages composent ce bouquet et les arbres donnent de leur sang pour que l'homme puisse recueillir les contes originellement transmis à l'oral.
Les êtres (sur)naturels, fantastiques, l'Ondin, le Záhoř, les fées
malveillantes, qui nous veillent la nuit, que le commun des mortels rencontre à la croisée des chemins, dans un marécage, en dehors du village, à l'orée des bois sombres, reviennent d'entre les morts pour peupler les histoires des mères qui chantent et qui font chanter le lin qu'elles tissent et qu'elles brodent alors qu'elles bercent en même temps leurs enfants qui feront la nuit des cauchemars où ils retrouveront le personnel (sur)naturel des histoires de leurs mères.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[...]
"La nuit est belle et clair', c'est l'heure
où les morts du tombeau se lèvent,
pour t'approcher sans crier gare -
n'as tu donc, ma mie, peur de rien ?"

"Que craindre ? Tu es avec moi,
l'oeil de Dieu est par-dessus moi. -
Dis-moi, mon aimé, dis-moi donc,
ton père est en bonne santé ?
Ton père et puis ta bonne mère
lui plaira t-il de me connaître ?"

"Combien tu poses de questions !
Dépêche-toi, tu verras bien !
Dépêche-toi, car le temps presse
et notre route est longue encore. -
Que tiens-tu, ma mie, dans la main ?"

"Je tiens mon livre de prières."

"Jette cela ! car la prière
est plus lourde que la pierre.
Jette-le, pour marcher légère,
si tu veux suivre mon pas."

Il prit le livre et le jeta,
d'un saut les voici à dix lieues.

Ils cheminent par les hauteurs,
par le rocher, le bois désert;
dans les fourrées, dans les rochers
aboyaient les chiens sauvages;
et LA chevêche a annoncé
Qu'un malheur n'était pas bien loin. -
[...]

("Les chemises de noce", trad. Xavier Galmiche)
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[...]
Et quand elles furent arrivées au fond de la forêt :
"Ho, c'est toi le serpent, c'est toi la bête !"
Les montagnes et les vallées ont pleuré,
tant les deux femmes s'en sont donné
sur la pauvre fille !

"Maintenant va t'amuser avec Messire le roi,
réjouis-toi avec lui comme il te plaira :
étreins son corps fringuant,
contemple son front lumineux,
jolie fileuse ! -

"Chère maman, comment faire ?
Où mettre ces yeux et ces membres ?" -
"Ne les laisse pas à côté du corps,
que nul n'aille les remettre ensemble -
emporte les plutôt avec toi !"

Et quand elles furent sorties du fourré :
"Ne crains rien, ma fille !
Vrai ! Tu es toute semblable à l'autre,
comme les deux yeux d'une même tête. -
Ne crains rien !"

Et comme elles approchaient du château,
le roi regardait par la fenêtre;
il sort à leur rencontre avec sa suite,
souhaite la bienvenue à la mère et à la promise,
il ne se doute pas de la traîtrise."
[...]
("Le Rouet d'or", trad. Hervé Huyghes-Despointes)
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