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Citation de ayssa1701


Ma mère aimait l’eau. Ma sœur à son bras, elle s’en allait très tôt à la fontaine. Elle remplissait une amphore. Elle en lavait les parois avec les feuilles capiteuses du lentisque. Quand j’ai eu six ans, elle m’a habillé d’un tablier, m’a sanglé un cartable aux épaules et m’a conduit à l’école. Au sortir de la maison, elle m’a aspergé d’eau bénite en balbutiant une formule incantatoire. Elle m’a dit : Aman d laman, llakul d tukksa n wurfan. (L’eau, c’est la foi ; l’école efface la misère.)
Elle n’était pas religieuse, ma mère. Elle se disait musulmane, en réalité elle se comportait comme une païenne. Elle avait l’habitude d’embrasser le tronc de l’olivier saint du village. On prétendait que s’y cachait un patron aux pouvoirs magiques. Au pied du vieil arbre, elle allumait des bougies. Elle déposait des pots votifs, des beignets et des pièces de monnaie que nous chapardions la nuit.
Ma mère priait Dieu avec ses gestes. C’est avec ses mots qu’elle célébrait l’esprit des ancêtres. Sa Mecque, c’était sa terre. Ses prophètes, c’étaient ses enfants.
Je me rappelle ce qu’elle a répondu à mon frère lorsqu’il lui a fait remarquer qu’elle priait dans la direction opposée à La Mecque :
— Je prépare le couscous, je surveille la marmite.
En me voyant m’initier à la prière, accroupi, mon front touchant le sol, elle a gloussé de ma naïveté.
— Va jouer avec tes copains ! Dieu n’a inventé la prière que pour les croulants. C’est pour qu’ils obtiennent leur ticket vers le paradis.
J’ai plié le tapis et rangé le Coran. Si tous les Algériens avaient entendu le conseil de ma mère, ils auraient épargné à leur pays une décennie de sang et de folie.
Je ne suis d’aucune religion. Je suis de la religion de ma mère.
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