Au milieu du vingtième siècle, les Dani vivaient encore sur les Hauts Plateaux de la Nouvelle-Guinée hollandaise comme à l"âge de pierre de l'humanité. Ils appelaient l'âme "la graine du chant" et la situaient juste au-dessous de cœur. Essence de la vie, cette graine devait être soigneusement préservée du mal. Le malheur pouvait la dessécher aussi sûrement que le javelot pouvait la blesser, et le lien entre tous les Dani était si fort que la mort de la graine de l'un d'entre eux affaiblissait l'âme de tous les autres.
Le sultan ne partageait pas les convictions politiques de son fils car la seule utopie qu'il chérissait était d'ordre spirituel. Pourtant, il savait qu'un état de choses proche du paradis terrestre existait bel et bien à Martapura... un état de choses fragile. Et il avait choisi de fermer son royaume aux influences extérieures afin de le sauvegarder. La civilisation, pensait-il, ne se jugeait pas aux progrès technologiques mais plutôt à la mesure dans laquelle un pays aimait sa jeunesse, révérait ses vieillards, honorait ses dieux et vivait en harmonie avec son environnement naturel.