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Citation de Charybde2


Durant sept ans, Góora avait pensé retourner au Jolof comme un héros. Ce désir de retour triomphal était si intense et si fort… Les immigrés y pensaient comme l’aboutissement des sacrifices et des souffrances endurées depuis qu’ils étaient partis de chez eux. Ils ne survivaient qu’en s’accrochant à ce désir. Ceux qui voulaient retourner chez eux mettaient des années à le faire. Tant qu’ils ne pouvaient pas combler ces attentes, ils reportaient leur retour. C’était plus violent que ce qui les avait poussés à partir. Ils traînaient alors leurs vies loin de chez eux, dans l’amertume. Certains se créaient des espèces de vies, d’autres perdaient la leur, dans la folie ou la mort. Les immigrés qui retournaient chez eux sans combler les attentes, étaient harcelés par les langues déliées qui finissaient par les briser. Sans alternative, il fallait repartir. N’importe où. Comme si devoir partir n’obéissait plus à aucune raison, à moins de se soulever et de se révolter contre ce devoir, contre le système pervers et ses langues déliées réductrices. Pour ceux qui n’avaient plus ce désir, c’était l’anonymat existentiel. Ils n’avaient pas les moyens de justifier leur départ. Ils n’avaient plus d’objectifs de vie. Ils n’existaient plus pour eux-mêmes ni pour les leurs. Ils finissaient en zombies errant à travers eux-mêmes. Ceux qui disaient le contraire mentaient ou occultaient ce qui les avait poussés à partir. Leurs vies n’avaient plus de sens et ils étaient condamnés.
Ils ne pouvaient exister que chez eux.
C’était chez eux que les vraies échelles de valeurs avaient du sens.
C’était chez eux qu’ils avaient une vie à construire ou à déconstruire.
C’était chez eux, là où ils avaient une histoire, que la vie avait du sens. Les immigrés ne voulaient pas une vie meilleure ailleurs, mais une vie meilleure chez eux. C’était pour cette raison qu’ils étaient partis. Ils cherchaient un passeport pour retourner chez eux et ce passeport était un retour triomphal. Et on n’était vraiment bien que chez soi. Billaay !
Quand on y était considéré. Quand on y était en sécurité.
Quand on y était éduqué et formé. Quand on y était soigné.
Quand on y vivait dans la décence.
Quand on n’y était pas harcelé, persécuté.
Quand on n’y était pas torturé ou menacé de mort.
Quand on n’y était pas indigné par la pauvreté endémique.
Quand on n’y était pas choqué par l’exclusion et la discrimination.
Quand on n’y était pas horrifié par la corruption et le gaspillage.
Quand on n’y était pas outré par la prédation et les malversations.
Quand on n’y était pas écœuré par l’injustice et l’impunité.
Quand on n’y était pas tympanisé par les pollutions sonores des discours de politiciens, d’intégristes, de néo-prêcheurs, de prédicateurs.
Quand on n’y était pas révolté par les impostures intellectuelles, historiques, politiques, sociales, économiques, culturelles, environnementales.
Quand on n’y était pas manipulé par les charlatans et les langues déliées.
Quand on n’y était pas englué dans le nouveau concept de considération.
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