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Citation de Charybde2


Avant que Guan Yu devienne un dieu, ce n’était qu’un jeune garçon.
En fait, avant ça, ce n’était qu’un fantôme, ou presque. Sa mère eut beau le porter dans son ventre douze mois durant, il refusait de naître. La sage-femme donna des herbes à sa patiente, puis dit au mari de la tenir alors que celle-ci ruait et hurlait sur le lit. Enfin, le bébé sortit. Il ne respirait pas. Il avait le visage écarlate. De s’être étouffé ou d’avoir trop de sang barbare par son ascendant, songea la sage-femme.
« Ç’aurait été un bébé énorme », murmura-t-elle au père. La mère dormait. « Trop massif pour avoir une longue vie. » Elle enveloppait le corps dans l’étoffe qui aurait dû servir de langes. « Vous lui aviez choisi un nom ? »
– Non.
– Cela vaut mieux. Ainsi, les démons n’auront rien pour l’agripper sur son chemin vers le monde souterrain. »
Le bébé poussa un cri assourdissant. Elle faillit le lâcher.
« Il est trop massif pour avoir une longue vie. », insista-t-elle en le démaillotant, vexée qu’il ait osé remettre en cause son autorité dans le domaine. « Et ce visage cramoisi !
– Alors, je vais l’appeler Chang Sheng, Longue Vie. »
Au Shanxi, le soleil brûlant d’été et les vents de poussière du printemps griffaient et râpaient le visage rougi des gens qui s’efforçaient de gagner leur vie dans le nord de la Chine. Quand les barbares qui avaient escaladé la Grande Muraille menaient leurs raids vers le sud sur leurs montures géantes, ces hommes s’armaient de fourches et faisaient fondre leurs socs pour les affronter en combat à mort, et ces femmes se battaient à leurs côtés avec leurs couteaux de cuisine pour, la bataille perdue, devenir les esclaves puis les épouses des barbares, apprendre leur langue et leur donner des enfants jusqu’à ce qu’ils finissent par se considérer comme chinois et, à leur tour, affronter la vague suivante.
Tandis que les hommes faibles et les femmes délicates ayant peur de la mort fuyaient au sud pour voguer sur leurs bateaux fleuris et chanter leurs chansons à boire, ceux qui restaient, accordant la musique de leur vie au rythme de la rage hurlante du désert, gagnèrent en taille grâce au sang barbare dans leurs veines et s’enorgueillirent de leur vie de labeur.
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