Le monde de l'édition a toujours souffert d'un dédoublement de personnalité assez complexe. Est-ce un art qui requiert une structure professionnelle et sérieuse, ou un métier qui exige d'avoir une certaine sensibilité artistique ?
Je commence par cette simple affirmation: les livres peuvent changer les gens et les sociétés. J'ai été surpris pas de nombreux éditeurs qui minimisent cet article de foi pourtant élémentaire. Je suspecte qu'ils se mentent eux-mêmes tout autant qu'à moi. Ou bien ils appartiennent vraiment à un autre monde.
"Beaucoup de personnes ont pensé que c'était une sorte d'échappatoire - que le lecteur voulait éviter la réalité. Mais je pense que Tolkien possédait cette capacité de communiquer si importante qu'on trouvait dans les livres essentiels, ceux qui influent sur la façon de penser des gens ; il entraînait ses lecteurs dans son oeuvre. Ils y participaient. Ils s'ajoutaient à l'histoire. On vit rapidement des peintures, des cartes, des vitraux, des chansons et de la poésie inspirés par Tolkien. Les gens apprirent la langue de The Lord of the Rings. A l'époque, on avait l'impression que les jeunes élargissaient leurs talents bien plus que ceux de ma génération. Les individus que Tolkien attirait étaient dans un certain sens insatisfaits de leur époque. Tolkien servit de catalyseur. Il encouragea les gens à penser par eux-mêmes. Le fait que Tolkien fut un moraliste et crut au pouvoir du bien sur le mal, qu'il posa des problèmes de pouvoir à un moment où le monde s'inquiétait de la concentration du pouvoir, contribua à l'impact qu'il eut sur les gens et sur l'époque." (Ian Ballantine)
De toute évidence, Gardner n'était pas Georges Simenon ou G. K. Chesterton, et ses premiers livres sont aujourd'hui sérieusement datés. Dashiell Hammett et James M. Cain, d'un autre côté, ont gardé leur fraîcheur ; leurs textes sont aussi dynamiques et sensationnels que lorsqu'ils parurent pour la première fois dans les années 1930. Mais, selon de Guinness, Gardner demeure le romancier le plus vendu de tous les temps. L'explication est peut-être simple. Il créait de manière systématique un divertissement fiable qui, comme les feuilletons télé ou les séries de films, ne provoquait pas le lecteur ou ne laissait aucune question sans réponse. C'était comme le pop-corn : difficile de s'arrêter d'en manger une fois qu'on avait commencé et qu'on n'était pas encore rassasié. Pour les personnes désireuses de quitter les "complications sans solution" de la vie, un Perry Mason à 25 cents était la solution idéale.
Publié en 1953, Sexual Behavior in the Human Female choqua l'Amérique pour avoir l'effronterie de révéler que la plupart des Américaines avaient eu des orgasmes avant l'adolescence, que la moitié des femmes célibataires n'étaient pas vierges, que la moitié des femmes mariées avaient perdu leur virginité avant le mariage, qu'une femme mariée sur quatre avait commis l'adultère, que beaucoup de mères célibataires n'avaient aucun regret, et que la chasteté montrait seulement un manque d'opportunité.
Lorsque l'avocat de la partie civile demanda à Rosset s'il savait que le livre était vendu près d'une école, l'éditeur lut à haute voix l'un des passages les plus controversés du livre et dit au tribunal : "Je vous félicite si vos enfants sont assez cultivés pour pouvoir lire le livre et le comprendre." Le jury rit, le district attorney aussi, et l'acte d'accusation fut retiré. Tropic of Cancer devint le second best-seller de Grove après Lady Chatterley.
Il est bon de se dire que de nombreux écrivains n'ont pas choisi cette voie pour l'appât du gain, les avantages en nature ou les horaires allégés... Il y a des moyens beaucoup plus faciles pour s'enrichir, et peu d'aussi certains pour rester pauvres !
Écrire est un acte de foi : quelqu'un lira et sera peut-être changé.
Peu importaient ses talents d'écrivain, elle était incontestablement douée de génie lorsqu'il s'agissait de se vendre.
Ecrire est un acte de foi : quelqu'un lira et sera peut-être changé