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Citation de enjie77


Exil 1933 - 1936

Hans, le chauffeur de la famille, nous attendait comme d'habitude sur la Place de la gare avec la Buick familiale. Mais son attitude, son expression s'étaient curieusement modifiées. Il avait l'air pâle et défait, ce grand et fort gaillard, et le voilà qui tremblait ! Mais oui, c'est d'une main très nettement tremblante qu'il nous ouvrait la portière. Sa voix, elle aussi, chevrotait : "Soyez prudents ! chuchota-t-il très ému. Tous les deux mais, vous surtout, Mademoiselle Erika ! Ils vous cherchent , ceux de la Braune Haus (Maison Brune) vous savez ce que je veux dire ! Ne sortez pas dans la rue, Mademoiselle Erika ! Que personne ne sache que vous êtes en ville, Monsieur Klaus ! S'ils vous attrapent ...". Son geste ne laissait aucun doute sur ce qui nous arriverait dans ce cas.

Nous ne devions apprendre que plus tard pourquoi notre fidèle Hans était si nerveux ce jour là et d'où il savait tant de choses. Il était doublement traître et avait doublement mauvaise conscience, le brave homme robuste à la tignasse blonde et aux yeux pensifs. Il y avait déjà plusieurs années qu'il travaillait comme mouchard pour la Braune Haus où il rendait compte régulièrement de tout ce qui se passait chez nous. Mais cette fois, au moment décisif, il avait oublié son devoir et nous avait prévenus, pour des raisons humanitaires, probablement. Sans doute, lui faisions nous pitié. Il savait bien ce que "ceux-là" nous feraient s'ils nous attrapaient .... Ce furent des moments pleins d'angoisse et d'une agitation fébrile que ces dernières heures rue Porchinger, à Munich, en Allemagne. Songeant à l'avertissement du chauffeur félon mais néanmoins charitable, nous restâmes cachés dans nos chambres ; personne, pas même la cuisinière ou la femme de chambre, ne devait être au courant de notre arrivée. Mais le téléphone fonctionnait et nous appelâmes d'abord Arosa où le Magicien et Mielen se reposaient des fatigues d'une tournée de conférences. A Bruxelles, Amsterdam, Paris et dans d'autres villes, notre père avait parlé "de la grandeur et des souffrances de Richard Wagner", après quoi son programme devait se terminer par des vacances dans les montagnes suisses : à présent, toujours suivant ce programme, il allait rentrer à la maison ; nous trouvâmes prudent de l'en dissuader.

pages 379/380
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