Je cherche avec mes jumelles et a un moment, je le vois. Il est là. Ils sont là. Une tache sombre et floue sur la mer. Je finis par voir apparaître un énorme pneumatique gris, perdu au milieu des vagues, et, à son bord, ce qui ressemble à des silhouettes humaines. Des dizaines de silhouettes.
C'est hallucinant. Inimaginable. Quand on connaît la Méditerranée, c'est impensable d'espérer pouvoir la traverser sur un vaisseau pareil. Mon cerveau de marin est en ébullition : ce que je vois dans mes jumelles est dangereux. Follement dangereux. Et les gens qui ont fait monter des humains sur ce machin et les ont livrés à la mer sont des criminels.
Je suis à la fois fou furieux et désespéré, mais je n'ai pas le temps. Nous devons faire notre travail.
Selon Rudolf Vierhaus, même si on peut considérer que nos sociétés sont tributaires d'un système d'évolution plutôt lent et peu ajustable, il a toujours existé, autour de ce qui semble être des lois immuables, des champs d'action dont les individus et les groupes d'individus peuvent s'emparer pour changer d'horizons de pensées, et ainsi provoquer ou accélérer l'évolution.
L'Aquarius n'est pas un miracle. Ce bateau est la preuve concrète de ce que des humains très ordinaires peuvent réaliser lorsque leur horizon de pensée s'ouvre suffisamment pour trouver un champ d'action. Son but, notre but, est que la Méditerranée devienne une mer humaine et civile.