Le vol de l'ultime papillon
sera-t-il capable
de restituer le silence du bleu,
le soleil plausible pour tous les fruits
et le lieu de notre absence
à tous les points cardinaux?
Nous nous en irons ensemble,
avec un sourire d'inquiétude
et un autre d'angoisse.
Parce que jamais plus
quelque chose.
Parce que jamais plus
cette solitude partagée.
Parce que jamais plus.
Nous nous en irons ensemble,
accomplissant l'acte fatal
de la ponctualité.
Pour que personne n'attende
personne.
Pour que le vide
soit définitivement
sans mémoire.
Si même nous parvenions à apprendre toutes les langues
et si cet apprentissage atteignait
une impensable perfection,
il nous resterait à apprendre encore
les failles intersticielles entre une langue et une autre
et l'imperceptible brisure ou glissement
qui se produit entre les mots,
même pour qui connaîtrait tous les mots.
Écrire avec le crayon qui écrit
sur les traits
du crayon qui n'écrit pas.
Ou écrire avec le crayon qui n'écrit pas
sur les traits
du crayon qui écrit.
Quel est le vrai texte?
Peut-être seulement les espaces invisibles
entre ce qui s'écrit
et ce qui ne s'écrit pas
peuvent-ils composer le texte définitif.
Ou peut-être devra-t-on trouver le crayon
qui à la fois n'écrive et n'écrive pas.
pourquoi la douleur m'enlève-t-elle les paroles
justement là où j'en ai le plus besoin
pour autant que la douleur soit faite de paroles?
les paroles de la plainte, les paroles de l'amour,
la voix qui te parlait comme un toucher prolongé
les sourds gémissements de la conscience qui éclate
le murmure de la complicité
le dialogue fraternel comme lianes qui se pressentent
tout cela ton silence s'est emporté
il ne me reste que quelques syllabes
pour nommer la perte