AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de MegGomar


Ce soir-là, Yui roula jusqu’à Tôkyô sur l’autoroute déserte. Dans le
crépuscule, tandis qu’elle traversait Kichijôji puis Mitaka, les lumières des
supérettes éclairaient de petits rectangles de route ; les cerisiers touffus du
boulevard de la ville de Musashino-shi, la maison de retraite, le gymnase,
tout était endormi, comme sous l’effet d’un sortilège.
Pour la première fois depuis deux ans, en jetant un œil dans le
rétroviseur où tous les jours elle croyait voir sa fille assoupie dans son petit
siège, Yui se dit qu’elle pourrait lui chanter une berceuse ; elle tournerait
ensuite les yeux vers le siège passager où s’asseyait sa mère et lui décrirait
l’étrange magie de la journée qui venait de s’achever.
Pour la première fois depuis le tsunami, elle se permit de mettre en
doute la règle qu’elle s’était imposée de bien séparer le monde en deux,
celui des vivants de celui des morts.
Quel mal y a-t-il, se dit-elle, à parler à ceux qui ne sont plus ?
Il suffisait d’accepter que ses mains ne touchent que le vide, que l’effort
de mémoire parvienne à combler les failles, que la joie d’aimer se borne à
donner, sans plus recevoir.
Cette nuit-là, emmitouflée dans ses couvertures, elle ouvrit un livre de
contes.
À voix haute, elle lut l’histoire du petit soldat de plomb, du gros poisson
qui l’avala, du long voyage qui le ramena jusqu’à sa ballerine dressée sur
une seule jambe, et du feu de cheminée dans lequel ils finirent tous les
deux, minuscule cœur de plomb et petite étoile noire comme le charbon.
Commenter  J’apprécie          10





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}