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Citation de MegGomar


À force d’invitations répétées, accompagnées de quelques délicates
attentions (un coussin pour son dos, sa marque de tofu préférée), la vieille
dame finit par se détendre. Parfois, avant d’aller se coucher, elle adressait
de longs monologues à son défunt mari devant le butsudan : cette jeune
femme était si maigre qu’on se demandait ce qui la faisait tenir debout ; ses
jolis bonnets adoucissaient ses traits ; jamais elle ne portait de talons, elle
avait un goût extravagant pour les chaussures de sport. Mais enfin, elle la
traitait avec respect et, surtout, sa présence faisait du bien à sa petite-fille.
« Elle garde souvent le silence, si longtemps que par moments on se
demande si elle est encore là, disait-elle en astiquant le butsudan. Et puis
tout à coup la voilà qui parle – je te jure qu’à chaque fois j’en sursaute –, et
tu verrais comment Takeshi et Hana se figent et tendent l’oreille… Ils ne
perdent pas un mot de ce qu’elle dit. Tu sais combien Takeshi est distrait,
pourtant, quand on s’adresse à lui, non ? Eh bien, dans ces moments-là, j’ai
l’impression de le revoir enfant, lorsqu’il faisait ses devoirs sur la table de
la cuisine. Tu t’en souviens ? Il était si absorbé qu’on avait beau l’appeler, il
ne bronchait pas. »
Ce qui avait surpris la vieille dame, c’était qu’à la radio la voix de Yui
fusait, agile et cadencée – elle l’avait écoutée une fois, par curiosité, et en
était restée sidérée : elle semblait appartenir à une tout autre personne.
Tandis que la mère de Takeshi s’efforçait de la décrire de son mieux à
feu son mari, Yui, telle une colombe, préparait son nid. Chez elle, elle
aménagea un petit coin pour que la petite puisse faire ses devoirs et jouer
quand elle se chargeait d’aller la chercher à l’école. Elle l’emmenait parfois
à la radio car l’idée de parler dans un micro enchantait Hana. Pour elle,
diffuser sa voix jusque dans des lieux éloignés et toucher des dizaines de
milliers d’inconnus reliés entre eux par cette mystérieuse écoute relevait de
la magie.
« C’est comme le Téléphone du Vent, non ? avait-elle murmuré un jour
que Yui lui attachait les cheveux avant d’entrer dans le studio – on l’avait
autorisée à se tenir près de Yui à condition qu’elle promette de ne faire
aucun bruit. Tu parles aux gens mais tu ne sais même pas qui t’écoute.
N’empêche, tu entres chez eux et tu les rends heureux.
– Heureux, ce n’est pas sûr, en tout cas je leur tiens compagnie.
– Est-ce que ce n’est pas un peu pareil ? »
Face au miroir, Yui avait lissé les fines tresses de la fillette, tout émue.
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