Laure Tuia

Il n’y a pas de “manœuvre”. Juste une quantité immense de femmes qui s’ennuient, qui se sentent inutiles, ignorées, épuisées. Quel âge as-tu ? Trente ans ? Trente-cinq ? Tu es sûrement bien occupée, tu fais avancer ta carrière, tu fais des enfants ou tu penses à en faire, tu sors toutes les semaines avec des amis. Mais dans vingt ou trente ans, tu te retourneras et tu te demanderas où est passée cette jeune femme pleine de projets, qui avance à toute vitesse dans un monde plein de possibilités. Tu regarderas autour de toi, et tu verras que tu es devenue à peine plus qu’un fauteuil confortable sur lequel se vautrent les gens que tu aimes – et même ceux que tu n’aimes pas. Au travail, tu seras devenue cette vieille collègue un peu lente, un peu dépassée mais qui connaît si bien tous les rouages de la boîte. Celle à qui on peut toujours demander où trouver quelque chose, celle à qui tu racontes aujourd’hui tes soucis et tes aventures parce qu’elle écoute si bien, mais celle à qui tu n’as jamais demandé son avis sur quoi que ce soit, sûre que tu es qu’elle n’en a pas, d’avis, ni d’aventures, d’ailleurs. À la maison, si tu as de la chance, tu seras le pilier immuable de ta famille. Mère nourricière, confidente, roc inoxydable. Et quand on te demandera comment tu vas, tu répondras toujours “Bien, qu’est-ce que tu veux ?”, parce qu’on voudra toujours quelque chose. Et ça, c’est si tu as de la chance. Sinon tu seras seule, et tu auras des chats.