Dès la première page, je me suis focalisée sur le style assez particulier et original du livre. On ne peut que saluer le travail de l’autrice pour écrire sans un seul mot masculin, devant parfois recourir à des tournures assez intéressantes, mais pas des plus simples. Néanmoins, cela n’entrave pas la lecture, même si on peut avoir un peu de mal, au début, à rentrer sur l’histoire. Je pense cependant que cela vient plus des habitudes ancrées des lecteurs, plus que du travail de Laurence Qui-Elle. En effet, rien que le « Elle était une fois » du résumé m’a embrouillé quelques petites secondes, et je pensais que la « manipulatrice » qui est évoquée manipulait des gens et non des outils… une petite déconstruction à faire avant de lire donc.
Cette féminisation de la langue n’est pas un travail qui reste uniquement sur la forme, mais elle est bien utilisée à l’intérieure même du récit et est au centre de l’histoire. En effet, seules les femmes ont survécu à une étrange maladie qui a décimé les hommes partout dans le monde. La société est donc passée à une féminisation extrême, ce qui a entraîné des changements jusque dans les noms de rues, bâtiments mais aussi toutes les exclamations. Mais ce n’est pas tout : il est strictement interdit d’employer le moindre terme masculin, et cela est allé jusqu’à rendre féminin les exclamations comme « hein », « ha » ou encore le pronom « ça ». On va donc se promener entre la Tour-F-Elle et l’Arche Triomphale, en acquiesçant à base de « oui-e ».
Le nouvel état mis en place suite à l’épidémie qui n’a laissé que les femmes debout n’est pas pour autant prospère, bien au contraire. On nous raconte comment il s’est construit, qui a pris le pouvoir et on arrive dans une société des plus restrictives, surveillées, où la pauvreté et la ruine se côtoient, tandis que les femmes intellectuelles et celles qui sont plus manuelles sont rivales. La K, qui travaille en temps que rédactrice n’est pas toujours en accord avec ces règles et voit bien les clivages dans cette nouvelle structure sociétale qui ne tient pas réellement debout.
La vie semble dépérir, même si l’espèce humaine ne disparaît pas avec l’absence des hommes, elle n’est pas des plus fructueuse et un changement est nécessaire pour que les choses changent pour le mieux. Et la solution existe, bien cachée. Il ne dépendra que de K de mettre la main dessus.
Les personnages sont tous différents et se dévoilent au fur et à mesure, au travers des yeux de K. Ils permettent tous de porter un message, un point de vue face à la société de nous-les-femmes. Glike, pleine de gentillesse est tout particulièrement attachante, tandis que la mère de la K se plaint beaucoup et sur de nombreuses choses, regrettant le décès de sa propre mère, la Gope, qui est loin d’être absente de l’histoire.
La Masculine est un livre particulier, presque une expérience. Si la plume peut parfois surprendre, elle reste intelligente et réfléchie. Le fait de mêler l’histoire à la contrainte d’écriture est, à mon goût, un très bon choix, qui permettent au fond et à la forme de se compléter parfaitement.
L’histoire est plutôt plaisante à lire et la fin, ouverte peut plaire ou déplaire, mais elle laisse quoiqu’il en soit songeur. Il m’a fallut quelques temps pour avoir un avis sur ce livre… mais quelques jours plus tard, je ne sais toujours pas réellement ce que j’en ai pensé ! Cependant, il est bien loin d’être une déception, je dirais plus qu’il laisse songeur.
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