Laurent Lussier

Faut-il chercher bien loin les malheureux qui s’adonnent ainsi à la destruction quand ils sont malmenés jusqu’à leursultimes limites ? Bien sûr que non ! Il y en a partout, à commencer par les abeilles qui se donnent la mort en piquant quand elles se savent condamnées. Voilà le paroxysme du geste nuisible ! Car l’abeille se rendra jusqu’à la mort pour vous faire sursauter violemment et courir dans tous les sens en poussant une longue plainte ! Elle se départira de sa vie simplement pour vous être désagréable ! Évidemment, ce sacrifice traduit aussi un manque de moyens. Si elle pouvait nuire d’une manière qui lui serait agréable — comme un pigeon, par exemple, en déféquant sur la foule —, elle opterait pour cette astuce. Si les abeilles savaient former des nuées et déféquer en masse, on les regarderait autrement. Et si les abeilles savaient lancer des mottes de terre, ça changerait l’atmosphère dans les prés.

Chaque fois que l’on descend d’un étage, on trouve des êtres moins capables, plus inertes, plus ramollis. Bien sûr, on s’ennuie souvent au sommet de la pyramide : c’est un sommet venteux, la compagnie s’y fait rare et on préfèrerait parfois habiter le bas de l’édifice, là où ça grouille de monde et où on peut toujours compter sur l’haleine des autres pour se tenir au chaud.

Vous échouez sur une île déserte, par exemple : vous devez vous bâtir un abri, cueillir vos fruits, chasser les oiseaux indigènes. Vous pouvez hurler votre désolation. Mais à l’inverse, vous pouvez également vous demander si ce n’était pas précisément les vacances dont vous rêviez.
Même chose lorsqu’une tempête arrache votre maison : on vous reloge temporairement dans un hôtel ou chez un membre de votre famille et vous rompez un moment avec la routine, le temps que l’équipe de nettoyage rassemble vos biens éparpillés par le vent.

Et si l’on veut être absolument juste et répartir son temps également entre tous les paysages, c’est au hasard qu’il faut visiter la nature, en marchant et en dormant le long des chemins obscurs qu’elle trace. Telle était ma pensée alors que j’amorçais mes vacances et que les évènements terribles et surprenants des trente jours suivant étaient encore imprévisibles.

Au-delà de l’espèce, on apprenait à reconnaître le tempérament de chaque animal : était-il colérique ou triste, ou un peu maladroit ? Au fil du temps, on découvrait leur personnalité, et plus on apprivoisait leur caractère unique, plus il devenait nécessaire de les nommer. J’ai tourné mes yeux vers la chauve-souris qui dormait dans sa cage.

On peut toujours imaginer une personne qui adorerait traverser à notre place les épreuves qui jalonnent notre chemin, pour goûter au défi ou se changer les idées. Devant ce que j’appelle misère, un autre s’exclame camping ! Comment dire ? Tout dépend du nom.

C’est une vie difficile, mais comment faire autrement quand la soi-disant civilisation nous empoisonne ? Les gens sont de plus en plus malades et fatigués, ils travaillent sans savoir pourquoi.