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Critiques de Làzaro Covadlo (4)
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Las salvajes muchachas del partido

Quel souffle! Quel sens du verbe et du récit! Quand l‘Argentin Lázaro Covadlo part sur les traces de sa famille, il nous emporte littéralement avec lui et sa quête devient la nôtre. Alejandro Jodorowski nous avait déjà fait le coup avec L'arbre du dieu pendu, et on est en droit de s'interroger sur la recette secrète que possèdent les écrivains latino-américains pour nous laisser ainsi suspendus à leurs lèvres. Mais comment font-ils?

Nous voici donc collés aux basque du grand-père du narrateur, Baruj Kowenski, qui abandonna sa famille un jour de 1919 pour faire la révolution. Né à Kiev à la fin du 19ème siècle, Baruj a fui les pogroms et émigré en Argentine. Jeune militant , il participe à de nombreux combats sur les deux continents. Kowenski est un anarchiste, un contrebandier, un révolutionnaire insaisissable. Et quand le narrateur perd sa trace, il extrapole, et se réfère à ses illustres compagnons de route.

Covadlo ne ménage pas sa peine. Il nous offre une flamboyante épopée ashkénaze en Amérique du sud, une oeuvre magistrale, sur la communauté juive d'Argentine (Moises Ville, etc...), et sur l'anarchisme du début du vingtième siècle. Toutes les personnes que l'on a croisées un jour en octobre 1917 en Russie, ou sur le front en Espagne en 1937, nous les retrouvons sur la route sinueuse de Baruj Kowenski, à commencer par Simón Radowitzky.

Difficile de ne pas établir un parallèle entre les deux hommes aux origines et aux parcours similaires. Radowitzky, né en Ukraine, militant précoce, est l'un des prisonniers les plus connus de la terrible prison d'Ushaia, où il est incarcéré 21 années pour avoir vengé les nombreux morts de la Semaine Rouge de 1909 en tuant le chef de la police Ramón Lorenzo Falcón, responsable de la brutale répression de la manifestation. Engagé dans les Brigades Internationales, il termina ses jours comme ouvrier dans une usine de jouets au Mexique. On croise aussi Mika Feldman Etchebéhère, La Capitana, Robert Arlt, Juan Domingo Perón, Isaac Babel, l'auteur de Cavalerie rouge, Felix Dzerhinsky, le fondateur de la Tchéka, Nestor Makhno, Durruti, et d'autres militants tombés peu à peu dans l'oubli.

Las salvajes muchachas del partido est une histoire folle, une fresque magnifique qui déploie ses ailes sur deux continents, au tournant du siècle, sur les pas d'un nouveau juif errant, véritable enragé, survivant farouche et indomptable, qu'une femme et deux enfants ne parviennent pas à retenir sur un sol plus clément.

"Las muchachas salvajes del Partido te dan de comer, y de fumar, y se abren de piernas para que tú descanses. Gracias, salvajes muchachas del Partido”.
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Trous noirs

Ces Trous noirs sont comme douze emplacements vides de chocolats délicieux et raffinés laissés dans une boîte.

Douze nouvelles ciselées dans un chocolat bien noir et corsé.

Douze, comme douze mois de l'an ou...douze apôtres confrontés aux grincements et craquements de leurs destinée... À leur fin, parfois.



Ce joli bouquin est imprimé sur un papier très blanc, et chacune des douze histoires est précédée, après son titre, d'un joli dessin.



Un livre à lire lentement, à déguster comme autant de bouchées précieuse, et à garder à portée de main pour picorer à nouveau dedans.

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Las salvajes muchachas del partido

Entre autobiographie et biographie fictionnelle, le roman de Lázaro Covadlo raconte l’histoire du destin romanesque de Baruj Kowenski, grand-père paternel de l’auteur-narrateur.

Né à Kiev à la fin du XIXe siècle dans une famille juive, Baruj se rapproche très jeune du mouvement anarchiste et, tout comme de nombre de ses compatriotes, émigre en Argentine pour fuir la misère et les pogroms de son pays natal.

L’auteur dépeint avec autant de véracité que d’intensité l’atmosphère urbaine des premières années du XXe siècle à Buenos Aires dans laquelle évolue le personnage principal : les conventillos où étaient accueillis dans des conditions déplorables les immigrés, les quilombos où est né le tango, le milieu de la mafia et de la prostitution, la communauté juive, les groupes anarchistes et intellectuels (Simon Radowitsky, Roberto Arlt, entre autres), etc. La province est également présente au fil des chapitres, que ce soit la pampa où s’installent, à l’instar de Baruj Kowenski, de nombreux immigrants ou la Patagonie, terre mystérieuse et désolée située aux confins du monde.

Les idées politiques et le militantisme de Baruj l’amènent à repartir en Europe en 1919 pour s’engager dans l’Armée Rouge. Bien que la grand-mère du narrateur ait reçu la nouvelle officielle de la mort de son premier mari, l’auteur imagine la suite des pérégrinations de son grand-père, à savoir sa captivité dans la Loubianka, son retour en Argentine en 1930 puis son départ en Espagne pour lutter aux côtés des Républicains.

Tout en racontant l’histoire du destin extraordinaire de Baruj Kowenski dont la vie tumultueuse et aventurière l’amène à changer plusieurs fois d’identité, l’auteur évoque très fréquemment les vies de ses parents, d’autres personnes proches de la famille ou rencontrées par hasard, ainsi que sa propre trajectoire, entre l’Argentine et la Catalogne où il vit depuis près de quarante ans.

C’est donc une grande partie de l’histoire du XXe siècle qui est retracée dans cette chronique haute en couleurs centrée sur les destins individuels de plusieurs générations ; tous ont en commun d’être aux prises non seulement avec l’Histoire mais avec des histoires personnelles souvent tragiques.



Le livre est composé de dix-sept chapitres, divisés en plusieurs sous-parties de longueur inégale et portant un titre thématique – le nom de la personne dont il va être question ou une phrase résumant l’épisode qui va être relaté. Le titre du roman fait référence à un poème qu’aurait écrit Baruj Kowenski en Russie, alors qu’il fréquentait des jeunes militantes révolutionnaires (derniers chapitres).

La prose de Lázaro Covadlo se distingue par sa sobriété, ainsi qu’une limpidité et une clarté remarquables. Sans être novatrice, l’écriture est à la fois généreuse et captivante ; certains passages sont drôles, ironiques ou encore très intenses.

L’auteur manie brillamment l’art du récit. L’ensemble du roman se caractérise par une grande fluidité. La narration n’est pas linéaire ; Covadlo effectue de nombreux allers-retours dans l’espace et dans le temps. Le lecteur est tenu en haleine du début à la fin et, malgré la profusion d’événements et de personnages, il n’est jamais perdu. Au-delà de quelques faiblesses narratives, notamment des redondances, ainsi que des anecdotes ou digressions moins intéressantes, l’ensemble du roman est savamment agencé et la lecture très plaisante. Enfin, les dialogues sont particulièrement réussis.

L’auteur intervient très souvent dans le récit et met à nu les ficelles de l’écriture et de l’imagination, tout en apportant une réflexion lucide et pertinente sur le processus de création. Ces jeux de métalittérature ne sont pas sans rappeler Italo Calvino. L. Covadlo assume de manière explicite la fictionnalisation de la biographie de son grand-père Baruj, sans dissimuler sa tentative de « recréer les pensées et les sentiments » (p. 50) de ce dernier ; « Et comment puis-je avoir connaissance des divagations de mon grand-père ? Je ne le peux, mais il m’est possible d’observer les miennes et de me demander pourquoi il n’aurait pas pensé des choses semblables. » (p. 58).



L’histoire de la vie de Baruj Kowenski et les destins des nombreux personnages gravitant autour de lui sont racontés de manière très juste ; loin de la glorification héroïque ou encore d’un quelconque binarisme réducteur ou parti pris, l’auteur dépeint les protagonistes avec une profonde humanité. Réels, connus ou inventés, tous les personnages de Las muchachas salvajes del Partido mènent une lutte existentielle et connaissent tour à tour amours, illusions, déceptions, errance, folie, désespoir, détresse, joie, résignation. Il semblerait que le combat politique dans lequel certains d’entre eux, à l’instar du protagoniste principal, décident de s’engager se trouve toujours au second plan. Les rencontres, coïncidences et retrouvailles unissent les personnages, le temps et l’espace, donnant ainsi au roman une grande force narrative.

Cette chronique où se mêlent des destins réels et inventés, ainsi que des événements historiques rappellent Le Docteur Jivago de B. Pasternak, La Garde blanche de M. Boulgakov ou encore, bien qu’il s’agisse d’un autre contexte, L’Art de la joie de G. Sapienza. Inscrit dans un ancrage historico-politique très fort, Las salvajes muchachas del Partido n’est pourtant pas un roman historique. L’auteur s’est toutefois documenté de manière très précise, comme l’atteste la bibliographie finale.

L’héritage de l’une des plus grands écrivains argentins du XXe siècle, Roberto Arlt (Les Sept fous, Les Lance-flammes), est perceptible non seulement dans la présence de la figure du rufián (maquereau), mais aussi dans le tableau de Buenos Aires des années 1920. Tout comme Arlt, Covadlo fait de nombreuses références à la littérature russe du XIXe siècle (Dostoïevski, Tolstoï), notamment à travers certaines scènes de troquet ou encore à travers la présence récurrente du cheval, symbole de la victime de l’oppression humaine. D’autres figures de la littérature soviétique du début du XXe siècle (Maïakovski, Isaac Babel) font également leur apparition.

Chronique romancée centrée sur des destins d’hommes et de femmes proches de notre temps, le roman de Lázaro Covadlo trouvera sans nul doute un accueil favorable auprès du lectorat francophone.

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Las salvajes muchachas del partido

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