Cette révolte massive s’élevait contre la répression d’État, la corruption des élites, la pauvreté et les inégalités. Les mobilisations étaient décentralisées et spontanées. Elles n’étaient ni dirigées par des partis politiques ni déterminées par les discours traditionnels du socialisme, du nationalisme ou de l’islamisme. Il s’agissait de « créer une nouvelle géographie de la libération, qui n’était plus cartographiée à partir des structures de domination coloniale ou postcoloniale », mais comme une « restructuration [qui] impliquait une émancipation bien plus radicale ».
Le discours dominant sur la Syrie a été si souvent et terriblement biaisé et lacunaire, empli de fausses suppositions, de faux-fuyants et de sensationnalisme. La première étape de la solidarité consiste à en corriger le récit
Le temps médiatique est déjà passé sur la révolution syrienne et il ne semble plus y avoir de place pour un propos, autre qu’humanitaire, sur le calvaire des populations civiles qui fuient les décombres
Ici, le parti pris des auteurs est de redonner au récit populaire une place centrale et de permettre ainsi de s’émanciper du prisme hégémonique de l’information (description des expériences d’auto-organisation révolutionnaires dans tous les domaines de la vie quotidienne : santé, éducation, alimentation, énergie, etc. ; tensions entre mouvement civil et milices rebelles ; explosion et foisonnement de la vie culturelle, etc.)
L’enlèvement de Samira et Razan symbolise le double caractère de la bataille que doivent livrer les Syriens : contre les fascistes assadistes en cravate d’un coté, et contre les fascistes islamistes barbus de l’autre. Ces deux femmes sont de grandes héroïnes dans la lutte syrienne pour la liberté sur les plans politique, social et culturel
Néanmoins, les critiques abstraites du processus de militarisation de la révolution passent à coté d’un point crucial. Les révolutionnaires syriens n’ont pas décidé de façon et collective et formelle de prendre les armes – bien au contraire, ce sont des milliers de décisions individuelles qui ont été prises sous le feu de l’ennemi
Les zones libérées, considérées comme débarrassées à la fois du régime et de l’Etat islamique, étaient dangereuses et terrifiantes, bombardées à distance, et pourtant elles défendaient leur liberté d’une façon bien réelle et qui auraient été impensable dans l’ancien royaume du silence
« l’Armée syrienne libre » était un terme générique. Elle n’a jamais été une armée au sens propre, mais un ensemble de milices, certaines mobiles, la plupart locales et défensives – toutes engagées dans le double but de détruire le régime et de fonder un Etat démocratique
Quant au mouvement ouvrier organisé, il avait été détruit par le régime baasiste. On ne trouvait aucun syndicat indépendant. La gauche syrienne, par le biais des partis staliniens cooptés, faisaient l’apologie du régime et s’était par là même complètement discréditée
La force potentielle du panarabisme résidait dans sa nature inclusive, dans la possibilité que sunnites et chiites, chrétiens et musulmans, populations rurales et urbaines, soient réunis sous une même identité, en tant que membre de la nation arabe