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Citation de Partemps


AETERNAE MEMORIAE PATRIS

...Depuis, il y a toujours, suspendu dans mon front et qui me fait mal,
Délavé, raidi de salpêtre et suri, comme une toile d’araignée qui pend dans une cave,
Un voile de larmes toujours prêt à tomber sur mes yeux.
Je n’ose plus remuer la joue; le plus petit mouvement réflexe, le moindre tic
S’achève en larmes.

Si j’oublie un instant ma douleur,
Tout à coup, au milieu d’une aventure, dans le souffle des arbres,
Dans la masse des rues, dans l’angoisse des gares,
Au bras d’un vieil ami qui parle avec douceur,
Ou dans une plainte lointaine,
A l’appel d’un sifflet qui répand du froid sous des hangars,
Ou dans une odeur de cuisine, un soir
Qui rappelle un silence d’autrefois à table...
Amenée par la moindre chose
Ou touchée comme d’un coup sec du doigt de Dieu sur ma cendre,

Elle ressuscite! Et dégaine! Et me transperce du coup mortel sorti de l’invisible bataille,
Aussi fort que la catastrophe crève le tunnel,
Aussi lourd que la lame de fond se pétrit d’une mer étale,
Aussi haut que le volcan lance son cœur dans les étoiles
Je t’aurai laissé donc partir sans rien te rendre
De tout ce que tu m’avais mis de toi, dans le cœur !
Et je t’avais lassé de moi, et tu m’as quitté ;
Et il a bien fallu cette nuit d’été pour que je comprenne... Pitié! Moi qui voulais... Je n’ai pas su... Pardon, à genoux, pardon !
Que je m’écroule enfin, pauvre ossuaire qui s’éboule, oh pauvre sac d’outils dont la vie se débarrasse, d’un coup d’épaule, dans un coin...

Ah je vous vois, mes aimés. Mon père, je te vois. Je te verrai toujours étendu sur ton lit,
Juste et pur devant le Maître, comme au temps de ta jeunesse,
Sage comme la barque amarrée dans le port, voiles carguées, fanaux éteints,
Avec ton sourire mystérieux, contraint, à jamais fixé, fier de ton secret, relevé de tout ton labeur,
En proie à toutes les mains des lumières droites et durcies dans le plein jour,
Grisé par l’odeur de martyr des cierges,
Avec les fleurs qu’on avait coupées pour toi sur la terrasse ;
Tandis qu’une chanson de pauvre pleurait par-dessus les toits des ateliers dans une cour,
Que le bruit des pas pressés se heurtait et se trompait de toutes parts,
Et que les tambours de la Mort ouvraient et fermaient les portes!

Je t’ai cherché, je t’ai porté ;
Partout. -Dans un square désert au kiosque vide, où j’étais seul
Devant la grille du couchant qui sombre et s’éteint, comme un vaisseau qui brûle derrière les arbres...
Un jour.. dans quelque ville de province aux yeux mi-clos, qui tourne et s’éteint
Devant la caresse hâtive des express...
Dans une boutique où bougent d’un air boudeur des figures de cendre ;
Sur la place vide où souffle l’oubli ;
Aux rides des rues, aux cris des voyages...

A l’aube, hors barrière, dans un quartier d’usines,
... Au tournant d’un mur, une averse de charbons lancée par des mains invisibles ;
Un tuyau qui fume en sanglotant...
Dans les faubourgs et les impasses où meuglent les sirènes, où les scieries se plaignent, où les pompiers sont surpris par un retour de flamme, à l’heure où les riches dorment...
Un soir, dans un bois, sous la foule attentive des feuilles qui regardent là-haut filtrer les étoiles,
Dans l’odeur des premiers matins et des cimetières,
Dans l’ombre où sont éteints les déjeuners sur l’herbe,
Où les insectes ont déserté les métiers...

Partout où je cherchais à surprendre la vie
Dans le signe d’intelligence du mystère
J’ai cherché, j’ai cherché l’Introuvable...

O Vie, laisse-moi retomber, lâche mes mains !
Tu vois bien que ce n’est plus toi! C’est ton souvenir qui me soutient !
Poëmes, Gallimard

Retourne aux pays sans amour où Ton était cruel pour toi.
Retourne aux pays sans douceur où Ton revient toujours.
Ils sont pleins de souvenirs qu’on déteste et qu’on adore.
On ne saurait s’y montrer fier de ce qu’on quitte. On ne peut rien en rapporter vers ce qu’on retrouve.
Le temps et la distance y perdent leurs mirages. Aucune magie n’y rayonne.
On y a laissé vieillir des hontes et de l’inconscience. Elles vous entendent marcher sur la route, de si longtemps et de si loin qu’on vienne.
Et tu vas t’y pencher encore, de toute ta hauteur, comme la plus lointaine étoile au fond d’un puits où dort le silence, dans les yeux morts, sur le cadavre des ténèbres...
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