La vie de Reynolds se résume tout entière dans l'histoire de ses études, de ses impressions et de ses oeuvres. Cet artiste qui exerça pendant sa vie une autorité incontestée, et que les Anglais regardent comme leur plus grand peintre, ne ressemble en aucune façon aux autres peintres ses compatriotes ou Ses contemporains. En effet, pendant qu'Hogarth, Gainsborough, etc., obéissant à la libre impulsion de leur génie, n'écoutent que leurs inspirations et n'étudient que la nature, Reynolds passa toute sa vie à combattre ses instincts et à étudier les autres, cherchant à surprendre leurs secrets, à copier leur manière, et, par une destinée singulière, condamné en quelque sorte par sa réflexion et sa volonté à vanter et à admirer sans cesse ce qu'il lui fut impossible de reproduire ou d'imiter.
La nature fut le seul guide d'Hogarth; il lui obéit aveuglément. Sans doute le génie a ses immunités, mais Hogarth eut le tort de vouloir ériger en système les inspirations d'une organisation Particulière et de vouloir proscrire absolument tout ce qu'il ne comprenait pas.
Dans les salles consacrées aux Beaux-Arts, les tableaux s'empilent eu restent empilés; un nombre relativement insuffisant garnit les murs. Des statues mutilées couvrent les dalles, attendant la tête, les bras ou les jambes qui doivent les compléter et que le coffre tient encore. C'est un encombrement, un fouillis, une mêlée à travers laquelle il est difficile de se distinguer. Bien des issues sont barrées; quelques portes demeurent closes; des étiquettes sont absentes; le catalogue manque : nul moyen de se guider ou de se retrouver; nul moyen de prendre une vue d'ensemble, ni de hasarder une idée générale.
Les Allemands, je le répète, sont naturellement gothique, comme les italiens sont naturellement gréco-latins, et les uns et les autres reprennent sans effort la physionomie des ancêtres. Le génie originel des deux races résiste à toutes les atteintes et se révèle dans leur art.
L'exhibition des trésors de l'art à Manchester, et les expositions de Londres et de Paris qui l'avaient précédée, ont attiré l'attention publique sur l'école et les peintres anglais. Très-influente, très-considérée dans le cours du dernier siècle, cette école, par suite de circonstances diverses, était restée presque inaperçue dans le mouvement artistique de notre temps. Il a fallu l'exposition universelle de Paris, 1855, pour forcer les critiques à s'occuper des peintres modernes de l'école anglaise, et l'exhibition de Manchester, 1857, pour révéler à l'Europe ses artistes anciens.
A Greenwich, l'influence de Rubens prédomine incontestablement. On retrouve bien encore le sou- venir de Lebrun et de Jouvenet, mais l'artiste anglais s'est surtout préoccupé de reproduire la couleur éclatante et profonde du coloriste flamand. Je ne dirai pas certainement que Rubens a été égalé, mais il serait, je crois, impossible de trouver dans l'école française des peintures murales plus considérables et plus largement traitées.
Peut-être contestera-t-on l'exactitude de mon titre. En effet, l'Angleterre, à proprement parler, n'a pas produit d'école, si l'on entend par ce mot une succession de maîtres et de principes procédant directement les uns des autres. Mais quelques-uns des artistes anglais ont déployé tant de force et d'originalité, que, par leur caractère et le mérite de leurs œuvres, ils méritent d'être groupés séparément et de former école.
L'art est cosmopolite, et les œuvres d'art n'ont pas de nationalité. Si l'École anglaise n'a pas pour tous les lecteurs l'attrait patriotique du Voyage artistique en France, que la presse et le public reçurent l'année dernière favorablement, j'espère toutefois que les artistes et les gens de lettres feront à ce nouveau travail un accueil bienveillant.
J'ai choisi les neuf artistes qui ont dominé leur école. Personne, j'espère, ne contestera la justice de ce choix, ni les droits qu'avait chacun de ces artistes à un examen sérieux. Je crois même qu'en dehors de ces neuf figures aucun autre peintre ne mérite un travail séparé.